Le 28 février, l'Aftaa a organisé un webinaire sur la minéralisation de la vache allaitante, essentiellement alimentée en herbe. Cet apport est nécessaire, surtout lors de périodes critiques du cycle et de la variation de la saisonnalité.
Anne Boudon, chercheuse à l'Inrae, a débuté le webinaire du 28 février, organisé par l'Aftaa sur la minéralisation de la vache allaitante, en donnant les recommandations Inrae en oligoéléments et en vitamines. Le Livre rouge de l'Inrae a été mis à jour en 2018 pour les recommandations de rationnement. « Les minéraux et vitamines sont estimés après l'optimisation des apports et des besoins en énergie. » Les Américains ont publié une mise à jour Nasem en 2021, grâce à des méta-analyses. Ces recommandations Nasem 2021 se rapprochent fortement des estimations de l'Inrae 2018.
« Aujourd'hui 15 éléments minéraux d'intérêt nutritionnel ont été identifiés. Pour qu'il soit d'intérêt nutritionnel, il faut que le minéral soit essentiel. Pour cela, il doit suivre trois règles : sa suppression de l'alimentation se traduit par des problèmes de santé et de développement, sa réintroduction se traduit par des phénomènes physiologiques assez rapides, des mécanismes d'homéostase doivent être identifiés pour maintenir sa teneur dans le corps », explique Anne Boudon. De grands types de fonctions ont été donnés : le calcium, le phosphore, le magnésium, le cuivre et le manganèse sont impliqués dans le métabolisme osseux ; le sodium, le potassium, le chlore et le phosphore sont nécessaires à l'équilibre du milieu intérieur (acido-basique et pression osmotique) ; le calcium, magnésium, sodium et potassium jouent un rôle dans l'excitabilité neuromusculaire ; enfin, le phosphore et le fer sont importants pour le transport de l'énergie.
Déterminer les recommandations
Pour déterminer les recommandations, l'Inrae s'est basée sur deux notions importantes : l'approche factorielle ou l'approche globale des besoins en minéraux. Une approche factorielle ou globale ne permet pas de résonner de la même manière. L'approche factorielle : réalisée à partir de méta-analyses constituées sur des flux au niveau de l'animal (flux fécal, urinaire, lait etc.) : tous les macroéléments sont concernés sauf le soufre car il est perdu par éructation. Les calculs doivent se faire en éléments absorbables, cela nécessite d'estimer la teneur de l'élément dans la ration ainsi que son coefficient d'absorption. Pour le sodium, le chlore et le potassium, ils sont presque totalement absorbables.
Pour l'approche globale : tous les oligoéléments sont concernés, ainsi que le soufre. Les calculs sont faits en éléments totaux. Donc il suffit d'estimer la teneur en éléments de la ration pour recalculer des apports. Les apports en minéraux correspondent aux approches factorielles. Il faut d'abord connaître l'ingestion (peut être déduite de la ration à partir de sa composition en énergie et en azote). L'idéal est de disposer d'une analyse de fourrages car il existe des variabilités en fonction de la zone géographique. « Si l'analyse de fourrage n'est pas disponible, nous pouvons avoir recours à des tables proposées par l'Inrae. » Les besoins en gestation, lactation et croissance sont assez simples à anticiper. Les besoins d'entretien (perte urinaire, perte endogène fécale) sont obtenus par des radio-isotopes.
Il existe des indicateurs biochimiques du statut minéral de l'animal. « Lors d'une carence, les troubles cliniques sont plus ou moins spécifiques selon les éléments. Pour beaucoup de minéraux, un léger déséquilibre qui va avoir des effets de performance non optimale. Pour les excès, certains minéraux vont entrainer des signes cliniques. C'est pour cela que les indicateurs biochimiques de carence ou d'excès sont utiles. Les diagnostics par analyse de l'alimentation sont difficiles car l'analyse est souvent imprécise et peu concluante, surtout pour les oligoéléments. Les indicateurs biochimiques peuvent mettre en évidence des modifications de composition biochimique au sein des tissus ou des fluides qui précèdent ou accompagnent les troubles de carence ou d'excès. » Les indicateurs biochimiques sont donnés pour des animaux adultes ou proches de l'âge adulte. Dans les ouvrages Inrae, il y a une teneur maximale tolérable, une teneur maximale règlementaire, les indicateurs listés dans la littérature, la zone de carence et la teneur physiologique idéale.
Les recommandations pour les vitamines qui existent aujourd'hui concernent les vitamines A, E et D. Partant du postulat que les vitamines K et B sont synthétisées en quantité suffisante dans le rumen et que la vitamine C a une synthèse endogène hépatique suffisante, elles ne sont pas présentes dans les tables. À la différence des oligoéléments, il y a une recommandation de supplémentation (et non de quantification de besoins).

Les périodes clés à ne pas manquer
Alice Nothhelfer, vétérinaire Vethelfer, a défini la notion de période clé. « Les minéraux ont plusieurs rôles dans l'organisme : transmission du signal nerveux, immunité, composition des fluides, synthèses des os et du fœtus, fonctionnement hépatique, bonne conduite de la fertilité, fonction musculaire. Ces éléments interviennent à tous les étages du fonctionnement de l'organisme. Comme on a une implication de ces oligoéléments dans certains fonctionnements on va avoir des besoins augmentés. Au moment du vêlage, forte sollicitation musculaire donc on va avoir des besoins augmentés dans cette fonction, lors de stress, des besoins pour la fonction nerveuse, etc. »
La notion de carence est importante dans la période clé. Les apports alimentaires ne sont pas constants lors du cycle de production : lactation, gestation, etc. Il existe des moments où les carences sont plus ou moins néfastes. « Par exemple, une carence en cuivre au cours d'une gestation déjà activée va avoir peu d'impact sur la santé. En revanche, si elle survient en fin de gestation, le petit ne peut pas accumuler le cuivre dont il a besoin donc cela va impacter très fortement la santé du veau », explique Alice Nothhelfer. Cela correspond aux périodes clés.
La vétérinaire a défini trois périodes clés où la gestion minérale est importante : la préparation au vêlage, la mise à l'herbe et la mise à la reproduction. Lors de la période de préparation au vêlage, la minéralisation va avoir un impact sur le déroulement du vêlage, la vitalité et la survie du veau et sur la qualité du colostrum. Lors de la période de mise à l'herbe : la minéralisation va être importante pour l'apparition de carence, en cas de tétanie d'herbage et de raide. Au moment de la mise à la reproduction, les oligoéléments et vitamines ont un impact sur l'expression des chaleurs, l'ovulation, la fécondation et sur le maintien de la gestation. Le vêlage nécessite des contractions musculaires qui sont réalisées grâce au calcium et au magnésium sous formes ionisées, aux vitamines E et D et au sélénium. Pour avoir un calcium ionisé et biologiquement actif dans l'organisme il faut un pH sanguin acide. Pour cela, il faut jouer sur la Baca de la ration (balance entre anion et cation). « Pour avoir des contractions musculaires efficaces, les recommandations vont être de diminuer la Baca de la ration (inférieure à 150 mEq/kg), limiter les apports en potassium ( 13 g/kg) et en sodium ( 1,5 g/ kg) et de supplémenter en magnésium (2,5-3 g/kg), apporter suffisamment de calcium (6-6,5 g/kg), éviter les excès en phosphore (40 g/j) et supplémenter en vitamine D (1 000 UI/kg), en vitamine E (100 UI/kg) et en sélénium (0,3 mg/kg). Avec les apports prairie, il est compliqué de préparer des vaches à une mise bas en les laissant à l'herbe. Il est donc nécessaire de mettre en place cette stratégie trois semaines à dix jours avant la mise bas. »
Lorsqu'il y a une mauvaise gestion de la balance minérale au moment du vêlage, des risques de renversements de matrice, dystocies, torsions utérines, non-délivrance et de métrites surviennent. Ces problèmes ont des répercussions sur la santé du veau, comme l'hypoxie : une étude a révélé que 70 % des veaux avec une naissance dystocique mettaient plus de 15 minutes à se relever contre 25 % pour une naissance eutocique. Une étude de 2006 montre qu'une carence en minéraux de la mère engendre plus de risque de mortalité du veau, des malformations, des échecs vaccinaux, un retard de croissance, etc.
La minéralisation a aussi un impact sur la qualité du colostrum qui permet le transfert de l'immunité passive de la mère à son veau (immunoglobulines, leucocytes, etc.) mais également le transfert de minéraux. Le statut minéral de la mère en zinc, sélénium, vitamines A et E va conditionner le transfert en immunoglobulines par le colostrum. Donc plus la vache est supplémentée par ces éléments, plus le colostrum va être enrichi. « Le transfert minéral est augmenté lorsque les mères sont supplémentées six semaines avant la mise bas. L'immunité innée du veau va être potentialisée par ce transfert minéral, donc il y a un double impact de supplémenter en oligoéléments et vitamines au moment de la préparation à la mise bas. C'est aussi le moment où on a un transfert transplacentaire. »
Lors de la période de mise à l'herbe, il est nécessaire de couvrir les besoins en minéraux au moment du pâturage. L'herbe ne peut pas couvrir tous les besoins, certains oligoéléments n'y sont pas présents. Il faut donc les apporter en compléments. La tétanie d'herbage consiste en l'apparition d'une hypomagnésémie. « Pourquoi a-t-on un risque augmenté d'hypomagnésémie au moment de la mise à l'herbe ? », questionne Alice Nothhelfer. Lors de la mise à l'herbe, il y a des besoins augmentés en magnésium car il s'agit d'une situation de stress pour la vache, elle a également besoin d'augmenter son activité musculaire. Mais il va y avoir une baisse de la disponibilité sanguine de magnésium avec la lipomobilisation liée au froid et au stress.
Cela va chélater le magnésium et donc le rendre moins disponible pour l'organisme. Enfin, il va y avoir une diminution des apports en magnésium par l'organisme car l'herbe fraiche est pauvre en magnésium mais très riche en potassium qui est un antagoniste à l'absorption du magnésium. L'herbe est aussi riche en azote donc il va y avoir un phénomène d'alcalose ruminale qui va diminuer la solubilité du magnésium ruminal. Il se produit une accélération du transit digestif et le magnésium est absorbé dans l'intestin, ce qui engendre une diminution de son absorption. Il y a alors apparition d'une tétanie. Les signes cliniques sont une diminution de l'ingestion, de la nervosité et des tremblements, des contractures musculaires, un opisthotonos, des convulsions, etc. « Comment prévenir ces problèmes ? En augmentant les apports en magnésium, en limitant la compétition d'absorption, en favorisant l'absorption digestive (ralentir le transit), en limitant les besoins (éviter le stress intense) et en favorisant la disponibilité du magnésium. »
La période de mise à la reproduction implique des oligoéléments et vitamines à toutes les étapes de la reproduction : maturation folliculaire, ovulation, fécondation, synthèse progestérone, etc. La maturation folliculaire démarre six semaines avant la mise à la reproduction. « Donc quand on a des carences pendant ces périodes, le follicule fécondé va avoir plus de risques de ne pas aller au bout de la gestation. » Pour pallier ces carences, de nombreuses méthodes de supplémentation existent.

Les méthodes de supplémentation
Guillaume Piton, responsable du département herbivores de Vetagri a présenté les différentes galéniques minérales du marché. Les formes classiques (ou non compressées) : la forme poudre, ou farine, sont des mélanges de matières premières. Elles ont l'inconvénient d'être poussiéreuses et pulvérulentes mais contiennent 100 % d'ingrédients actifs. Les formes semoulette (ou semoule) sont des matières premières mélangées sous forme de poudre ou semoule, de la mélasse est incorporée pour agglomérer les particules fines. L'appétence est renforcée et elles n'émettent pas de poussière. Elles nécessitent néanmoins deux points de vigilances : la prise en masse et le démélange. Les farines mélassées évitent ces derniers points : la matière première est une poudre à laquelle est ajoutée de la mélasse. La farine semoulée huilée correspond à des mélanges poudres et de semoules avec incorporation d'huile. Ces deux présentations ont l'avantage de coller aux rations. Enfin, les granulés avec différents types de diamètres : mélange de poudre et semoulette sur lesquelles sont appliqués des supports de granulation. Cette galénique n'est pas la plus économique mais a l'avantage d'être utilisable en DAC, de renforcer l'appétence et n'émet pas de poussières. Ces formes sont présentes sur le marché, plus souvent en sacs, en big-bag et elles sont livrables en vrac dans les élevages.
Les formes compressées correspondent aux seaux à lécher qui font entre 16 et 25 kg. Des mélanges de matières premières mélassées (comprenant un taux de mélasse plus important que les formes classiques jusqu'à 25 % de mélasse) avec un support végétal pour apporter de l'appétence. Ils permettent la complémentation au pâturage, sont pratiques et faciles à transporter. Ensuite, les blocs à lécher sont plus petits (de 4 à 12 kg), sont riches en mélasse (10-15 %) et riches en sodium. Ils accentuent l'abreuvement, mais la complémentation est possible en stabulation dans les mangeoires, ils sont faciles à transporter. Cependant, ces deux formes ne proposent pas d'apports individuels (pas d'assurance que l'animal ait la complémentation adaptée à ses besoins). Enfin, les bolus qui sont généralement utilisés en bovins adultes (de quelques grammes jusqu'à 100 g, voire plus), se délitent dans le réticulo-rumen pour apporter de façon journalière et homogène des oligoéléments et macroéléments. On peut alors parler de nutrition de précision. La libération progressive et homogène des éléments au fil du temps permet une assurance de l'absorption. Mais cela demande de manipuler les animaux.
Enfin, les liquides et les pâtes orales sont des matières premières apportées sous différentes galéniques associées à des solvants. Ils ont des effets immédiats et sont faciles d'emploi. « Il faut miser sur la praticité selon les saisons en apportant le bon produit : l'hiver, en bâtiment, privilégier la poudre si la ration est humide ou les granulés si la ration est sèche. En parallèle, sur des phases spécifiques (péri-partum...), privilégiez blocs et bolus. Au printemps/automne, au pâturage, privilégier les seaux à lécher, les granulés au champ, les bolus en amont de la sortie. Il n'y a pas de présentation minérale parfaite, chacune a des avantages et inconvénients. Il faut s'adapter à la conduite et à la saison », conclut Guillaume Piton.
Arturo Gomez, responsable technique pour Zinpro, définit l'« excellent oligoélément » : « le composé actif doit être soluble en milieu aqueux, il doit être stable à des pH physiologiques allant de 2 à 7,4 et en présence d'antagoniste dans l'eau et la ration, il doit être absorbable dans l'intestin grêle et doit améliorer la disponibilité du métal et surtout améliorer les performances ».
Utilisation de « tacos » en Espagne
L'Espagne compte environ six millions de têtes de bétails dont environ deux millions sont des vaches allaitantes. Ces dernières se trouvent principalement dans le sud-ouest de l'Espagne dans des systèmes complètement extensifs. C'est une zone avec une production fourragère très limitée en raison du climat. Il faut donc apporter une supplémentation.
Joan Riera, chef de marché bovins viande pour Nanta en Espagne, décrit la composition d'un taco : « 13 à 18 % de protéines brutes, 20 à 30 % d'amidon, UFL entre 0,7 et 0,95, urée ou non (mais nous encourageons l'utilisation d'urée), minéraux, vitamines et oligoéléments : P, Ca, Mg, Na, vit A, D et E, Mn, Cu, Zn, Co, Se. Les matières premières qu'il contient correspondent aux matières premières d'un aliment classique : céréales, ingrédients fibreux, sources de protéines, sources de graisses, urée, vitamines, oligoéléments et minéraux. Mais pas de maïs car le taco doit être un aliment dur et sans poussière. Il doit faire 16 mm sur environ 5 cm max. Certains marchés le préfèrent blanc. »
Joan Riera conseil d'utiliser le taco en fonction du statut reproductif, selon son état corporel (qui est le moyen de voir l'évolution), selon l'état des pâtures en fonction du climat (après juin, la richesse de la pâture diminue donc important de supplémenter) et en fonction du type génétique. La distribution de tacos sera privilégiée en préparation au vêlage (60 jours avant), au début de la lactation, lors de la mise à la reproduction (90 jours post-vêlage). « Une vache consomme environ 450 kg de tacos/an de juillet à mars environ, une fois par jour. Cela dépend de la météo. Ils sont distribués au sol manuellement ou mécaniquement : c'est pour cela que la qualité est très importante car les petits tacos ou les poussières sont perdus. »