Session Aftaa : Zoom sur la nutrition des chèvres laitières

Le 18/03/2011 à 18:20 par La Rédaction

L'Aftaa (Association française des techniciens de l'alimentation et des productions animales) organisait une session de formation consacrée aux chèvres laitières, le 13 janvier dernier à Tours, qui s’est traduite par un succès puisque 71 personnes sont venues de toute la France. Tour d’horizon des différentes interventions.

Dans le premier exposé, Gerardo Caja, de l'Université autonome de Barcelone (Espagne), s'est intéressé à deux thèmes : la modélisation de la prédiction de l'ingestion chez la chèvre laitière et l'adaptation des chèvres au stress thermique. Plusieurs références coexistent en matière de systèmes d'alimentation des chèvres laitières : à côté des tables américaines NRC datant de 2007, on trouve des références françaises (Inra, 2007) et espagnoles (Cannas & Pulina, 2008). Les modèles de prédiction de l'ingestion des cheptels laitiers sont basés sur une équation où la matière sèche ingérée est fonction du poids vif et de la production laitière standard à 3,5 % de taux butyreux.

Une assemblée de spécialistes venue des quatre coins de France

« Le problème, c'est que la chèvre de référence n'est pas bonne pour nous en Espagne », lance Gerardo Caja, qui rappelle que des chèvres à 4 kg de lait et 60 kg de poids vif n'existent pas en Espagne, où des chèvres à 3,5 % de taux butyreux sont de mauvaises chèvres. D'où l'importance de tester les modèles existants. Gerardo Caja a présenté ensuite les résultats d'une méta-analyse portant sur 229 données retenues avec un poids vif moyen de 51,3 kg (de 29 à 85,5 kg), 2,2 kg de matière sèche ingérée (de 0,8 à 3,5 kg) et 2,7 kg de production laitière/jour (de 0,4 à 6,2 kg).

Il ressort de cette analyse que les valeurs d'ingestion varient fortement selon les modèles, avec une surestimation de l'ingestion pour les productions laitières faibles et une sous-estimation pour les productions laitières élevées, d'où la nécessité de recherches complémentaires.

Stress thermique

En deuxième partie de son exposé, Gerardo Caja a rappellé que les chèvres sont plus tolérantes au stress thermique que les bovins, et ce pour plusieurs raisons : rapport poids vif/surface inférieur, adaptations morphologiques (longues oreilles), épargne d'eau et sudation plus élevée, adaptations comportementales. « Peu d'études ont été faites sur les effets à moyen terme du stress thermique chez la chèvre laitière », explique le conférencier, qui a ensuite présenté les conclusions d'une étude réalisée en station expérimentale sur deux groupes de 8 chèvres Murciano-Granadina, et sur deux périodes : une période de neutralité thermique (15 à 20 °C et 40 % d'humidité jour et nuit) et une période de stress thermique : jour (12 heures) : 37 °C et 40 % d'humidité, nuit (12 heures) : 30,5 °C et 40 % d'humidité.

Les conclusions de cet essai mettent en évidence une adaptation partielle des chèvres au stress thermique après 3 semaines. L'ingestion des chèvres diminue fortement la première semaine (-41 %), puis remonte (-14 % de matière sèche ingérée de 21 à 35 jours). Les chèvres soumises au stress thermique n'affichent presque pas de baisse de production laitière (-2,4 %) par rapport au groupe d'animaux en neutralité thermique, grâce à un mécanisme compensatoire de perte de poids (-1,5 kg). S'il n'y a pas de différence au niveau des taux butyreux des chèvres, ces dernières voient leur taux protéique fortement diminuer (-12,5 %) en cas de stress thermique.

Par ailleurs, l'essai mené par Gerardo Caja n'a pas mis en évidence d'effet du stress thermique sur la digestibilité des nutriments ni sur l'absorption et la rétention azotées. La diminution des protéines sériques au cours de l'essai met en évidence une adaptation au stress thermique. Selon Gerardo Caja, des études complémentaires sont nécessaires pour tester les effets du stress thermique en début de lactation et préciser si la diminution de taux protéique est due à un facteur nutritionnel limitant ou à une diminution de la synthèse protéique mammaire. Enfin, cet essai a été réalisé à partir de races caprines du sud, probablement plus résistantes au stress thermique que les races Saanen et Alpine utilisées en France. « Nous serions heureux de tester vos chèvres dans nos installations », conclut le conférencier espagnol, qui pense que la réponse au stress thermique des races utilisées en France risque d'être différente et plus forte.

Réponses multiples au concentré

Daniel Sauvant (AgroParisTech) : « Tenir compte du comportement individuel des animaux et de la variation de l'appétit d'un jour sur l'autre ».

Dans sa présentation sur les réponses de la chèvre à l'apport de concentré, Daniel Sauvant, d'AgroParisTech, a montré qu'il existe sur le terrain une relation entre les niveaux de production laitière et de consommation de concentrés + déshydratés. Pas moins de sept types alimentaires ont pu être observés sur le terrain selon la quantité de concentrés consommée : pastoral, pâturage, ensilage de maïs, foin de luzerne, foin de graminées, foins mixtes, foin + déshydratés. Un apport supplémentaire de 100 g de concentré par jour entraîne une baisse de 35 g de matière sèche de fourrage ingéré par kg de lait, tout en améliorant de 52 g la production laitière brute de la chèvre.

Avant de s'intéresser aux multiples réponses des chèvres au concentré, Daniel Sauvant a rappelé quelques principes du calcul des rations. La valeur d'encombrement d'un fourrage est liée à sa richesse en parois végétales, et on oublie souvent que les ensilages sont nettement plus encombrants que les fourrages verts. La valeur énergétique du fourrage est déterminante dans la couverture laitière des fourrages pour les chèvres, d'où l'importance de la qualité et de la digestibilité des fourrages distribués. Il existe une substitution fourrage/concentré chez la chèvre adulte, mais l'ingestion de fourrage ne répond pas linéairement à l'ingestion de concentré.

L'ingestion du fourrage ne dépend pas que de l'encombrement et de l'apport de concentré, la réponse de la chèvre n'étant que d'un tiers (plus 100 g distribués de fourrage = +33 g ingérés seulement). « Le tri est un phénomène majeur chez la chèvre », affirme Daniel Sauvant, qui ajoute qu'il manque aujourd'hui une méthode standardisée pour évaluer la taille des fibres, certaines d'entre elles ayant la propriété de stimuler la mastication. « Il existe une grande variation individuelle entre animaux au sein d'un troupeau, qui surprend souvent l'éleveur de chèvre », fait remarquer un participant dans la salle.

Philippe Caldier

... Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 644 - mars 2011