Les 14 et 15 juin, Phileo a organisé des sessions virtuelles sur le microbiote des animaux : des ruminants aux monogastriques en passant par les poissons et animaux de compagnie. Durant ces deux jours, différents sujets sur le microbiote ont été abordés par 28 intervenants de plusieurs entreprises et universités.
Phileo by Lesaffre, a dédié deux jours, les 14 et 15 juin, virtuellement, au microbiote des animaux, toutes espèces confondues. Vingt-huit intervenants d’universités, d’entreprises, ainsi que des experts de Phileo ont pu évoquer de nombreux sujets en lien avec le microbiote. « Le microbiote est un pilier essentiel pour Phileo. Nous croyons au potentiel du microbiote de l’intestin pour la production des animaux et pour leur bien-être », énonce Pauline Peltier-Pain, directrice R&D de Phileo by Lesaffre.
Jean-Philippe Marden, directeur de la ferme de recherche de Phileo a présenté les méthodes alternatives in vitro pour étudier le microbiome ruminal et la dégradabilité des fibres. Depuis plusieurs années, les scientifiques sont en constante recherches pour le bienêtre des animaux. Dans les protocoles, les 3R doivent être respectés : Replace, Reduce, Refine. Il s’agit de trouver de nouvelles façons de faire les essais, trouver de nouveaux modèles pour la recherche, autre que les animaux vivants si l’essai le permet. Il faut également minimiser le nombre d’animaux dans une expérimentation : les scientifiques utilisent les statistiques pour déterminer le nombre d’animaux minimum à utiliser pour réaliser l’essai. Enfin, minimiser la souffrance, la douleur et la détresse de l’animal durant l’essai est essentiel. « Nous avons depuis 15 ans adopté des techniques. Nous avons développé la technique du “Dual flow” qui imite la fermentation du rumen pendant trois semaines pour évaluer les effets des différents additifs. C’est une technique innovante qui donne de bons résultats. Elle reproduit ce qui se passe à l’intérieur du rumen. Le pH subit les mêmes variations que dans le rumen et de la salive artificielle est injectée pour permettre aux fermentations microbiennes de se produire », indique Jean-Philippe Marden. Ce processus permet d’avoir un suivi en temps réel de paramètres physico-chimiques, de fermentation mais aussi de paramètres du microbiote. Il s’agit d’une solution économique lorsqu’elle est comparée à un modèle sophistiqué d’intestin humain. Lors d’un essai comparant différentes levures, le potentiel d’oxydoréduction était mesuré. Les résultats ont été comparés avec les données in vivo. Ces derniers correspondaient à ce qui était obtenu in vitro : le modèle a été validé.
Une autre technique utilisée à la ferme expérimentale est un incubateur, appelé Daisy, conçu pour imiter la dégradabilité des ingrédients dans le rumen. Les échantillons à analyser sont divisés en quatre réservoirs anaérobies de digestion, maintenus à 39,5 °C. Du jus de rumen peut, par exemple, y être ajoutés avec différentes matières premières pour calculer la dégradabilité du rumen. « Avec ces deux techniques nous pouvons éviter d’utiliser les vaches, nous pouvons tester différents traitements simultanément et les résultats sont comparables aux résultats in vivo. Il est très important pour nous de développer de nouveaux produits en utilisant ces techniques », déclare Jean- Philippe Marden.
Un essai comprenant des matières premières du Vietnam avec un ajout de levure (produit commercialisé sous le nom Actisaf), a montré une augmentation significative de la dégradation des matières premières. « Ces techniques sont des alternatives aux animaux pour réaliser les essais. En combinant les deux techniques, nous obtenons des résultats comparables à l’in vivo. Avec ces méthodes nous pouvons évaluer les effets de nos produits. »
Les probiotiques
Le rumen est un écosystème avec différentes espèces de bactéries, microorganismes qui interagissent entre eux de manière complexe et est caractérisé par sa teneur en eau, la température, le pH, le potentiel d’oxydoréduction, l’anaérobie, etc. Un changement de ces paramètres peut conduire à un changement de microbiote et inversement. « C’est une balance dynamique parce que nous avons également le régime alimentaire qui impacte la composition du microbiote, explique Dr. Valentin Nenov, responsable mondial ruminants de Phileo, avant de poursuivre : le stress, la santé et le système immunitaire de l’animal peuvent également impacter le microbiote qui se trouve en challenge constant ».
En changeant le régime alimentaire rapidement lors d’un essai, en passant d’un régime riche en fibres à un régime riche en amidon, le pH du rumen a diminué rapidement. Les bactéries dégradent plus rapidement l’amidon et donc produisent plus d’acide lactique qui diminuent le pH et rend le rumen plus acide. Le potentiel d’oxydoréduction a, quant à lui, augmenté. Cela témoigne d’un changement de microbiote.
Une autre étude avec plusieurs régimes contenant la même teneur en fibres et les mêmes protéines avec pour seul aliment différent : l’amidon. Un régime contenait du blé : dégradation rapide et l’autre du maïs : dégradation lente. Le potentiel d’oxydoréduction s’est une nouvelle fois montré différent. Cette distinction démontre plusieurs compositions du microbiote dans le rumen : ce sont les mêmes espèces mais avec une balance différente de 20 %.
Un probiotique à base de levure peut soutenir le microbiote du rumen pour une meilleure efficacité, pour augmenter l’efficience alimentaire et gagner en énergie, « spécialement dans ce contexte de prix des matières premières élevé ». Le probiotique stabilise l’environnement du rumen et diminue le potentiel d’oxydoréduction. Le probiotique aide à créer un environnement plus favorable pour les bactéries anaérobie strictes, par exemple les bactéries fibrolitiques (Ruminococcus et Fibrobacter) se développent et dégradent plus efficacement les fibres. Un autre phénomène est observé : l’augmentation du pH. Cela est dû à une augmentation des Megasphaera et Selenomnas qui vont dégrader l’acide lactique en propionate qui est important dans la synthèse du lactose pour la production de lait. Il y a également moins de différences inter-individuelles avec le probiotique.
« Nous avons fait une étude à l’université de Nottingham. Les animaux qui recevaient la supplémentation ont une dégradation de matière sèche plus élevée que le groupe témoin. 600 g de matière sèche par vache sont digérés en plus. Une augmentation de digestibilité induit une augmentation de production de lait. Les bovins viande répondent d’une manière similaire parce que ce sont des ruminants. Dans une étude sur des charolaises il y a une augmentation du GMQ de 80 g/j avec la levure et une réduction de l’IC. Le profit par animal s’élève à 43 € pour un coût de produit de 9 € par animal », indique Valentin Nenov.
Chez le porcelet aussi, les probiotiques sont utilisés. Ils permettent cinq fonctions pour maintenir la santé intestinale. La première est la stimulation du microbiote intestinal et de la production de bactéries bénéfiques qui pourront produire différents métabolites. Le deuxième mécanisme est la compétition inhibitrice avec des pathogènes : les probiotiques peuvent se lier aux pathogènes. Le troisième mécanisme est la production de substances antimicrobiennes. Le probiotique permet également aux cellules épithéliales de maintenir leurs jonctions serrées. Enfin, les bactéries probiotiques peuvent stimuler la réponse immunitaire.
« Avec le probiotique, il y a une diversité de bactéries plus grande. La levure augmente la similarité des microbiotes entre les porcelets dans l’intestin. Les bactéries bénéfiques sont augmentées : les Actinobacteria (Genus bifidobacteria, G. collinsella), les firmicutes (G. ruminococcus, G. lactobacillus). Les performances des porcelets en post-sevrage sont améliorées : nous avons une augmentation du poids, du GMQ, de la prise alimentaire et une diminution de l’IC », déclare Dr. Tadele Kiros, responsable R&D porc Phileo.
Chez le poisson, particulièrement le bar européen (Dicentrarchus Labrax), un autre défi est à relever : maintenir une performance de croissance et accroitre une adaptabilité du microbiote intestinal avec des régimes à base de plantes sans produits de poisson. Le projet Ninaqua (New ingredients for new aliments in aquaculture) entre dans ce cadre : créer des régimes alimentaires innovants pour les poissons, composés de plantes complétées par des sources de protéines durables exemptes de protéines dérivées du poisson. Cependant, ces régimes alternatifs peuvent influencer le microbiote intestinal des poissons, leur santé et leurs performances de croissance. Un essai réalisé sur le bar européen nourri avec cinq formulations, dans lesquelles les protéines dérivées du poisson ont été remplacées par des nutriments végétaux terrestres, et complétées à 15 % par des sources de protéines durables, notamment des insectes, de la spiruline, des levures ou des protéines de volaille transformées recyclées. Ce complément avec des protéines durables a permis d’obtenir des performances de croissance des poissons nettement supérieures à celles de la formulation végétale complète. Le remplacement partiel des sources de protéines dans les régimes alimentaires du bar n’a pas été associé à des différences significatives dans la richesse microbienne intestinale, avec une prédominance des Proteobacteria, Firmicutes, et Actinobacteria. Dans l’ensemble, « notre étude met en évidence l’adaptabilité du microbiote intestinal du bar européen aux changements de régime alimentaire et identifie des sources de protéines alternatives prometteuses pour une alimentation aquatique durable », conclut Dr. David Pérez-Pascual, chercheur postdoctoral dans l’unité Génétique des biofilms de l’Institut Pasteur.
Éva Marivain