Après la filière bovine, qui a été la première à voir sa méthode bas-carbone approuvée par les instances gouvernementales, la filière porcine attend l'approbation de sa méthode développée avec l'Ifip. Elle ouvrira la possibilité aux élevages certifiés de décrocher des financements, via les crédits bas-carbone, pour s'engager dans des stratégies de réduction de leurs émissions. La maîtrise de l'IC est un levier majeur de progrès. Exemple à la Cooperl.
La Cooperl, premier groupement producteur de porcs en France, a organisé deux forums pour parler de décarbonation à ses éleveurs. La preuve que le sujet est pris au sérieux par une filière qui n’attend plus que le feu vert du ministère de la Transition écologique pour mettre en œuvre sa méthode bascarbone, développée sous l’égide de son institut technique Ifip.
Mickaël Bérard, chargé d’étude environnement à la Cooperl, rappelle que la neutralité carbone correspond à l’équilibre entre les émissions et la capacité qu’a la nature à les stocker ; l’Union européenne s’est engagée à l’atteindre en 2050. « Pour cela, le réchauffement climatique doit être contenu à 2 °C. Au-delà c’est l’emballement : le changement climatique ne sera plus maîtrisable. » C’est dire si l’enjeu est d’importance.

La Cooperl s’est d’ailleurs engagée à atteindre cette neutralité carbone, dès 2040. Pour Yann Henry, directeur du groupement, « le monde agricole joue sa pérennité à travers le défi de la décarbonation. Si nous ne sommes pas en mesure de décarboner notre production porcine, notre existence est menacée à moyen terme. » Mickaël Bérard confirme : « soit on fera du porc décarboné, soit il n’y aura pas de porc. À court terme c’est une opportunité économique mais à long terme ce sera la norme. Soyons prêts. »
En France le secteur agricole est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. « On ne peut pas nier le phénomène de réchauffement climatique, admet Gilles Fassot, éleveur administrateur du groupement sur le dossier carbone. La décarbonation est d’abord une démarche citoyenne… mais il faut que ce soit viable. On n’est pas philanthrope ! En plus, pour nous éleveurs, il peut être facile de décarboner car nous avons plusieurs leviers : limiter nos émissions, produire de l’énergie et séquestrer du carbone… »
Le poids de l’aliment dans l’empreinte carbone
Franck Montagnon, formulateur à la Cooperl, rappelle que le premier contributeur aux émissions en gaz à effet de serre de la production porcine est l'alimentation des cochons qui représente 52 % de cette empreinte carbone. Selon les données Agribalyse, la logistique nécessaire à la fabrication de l'aliment (transport des MP puis acheminement de l'aliment) pèse pour 5 à 6 % des émissions de gaz effet de serre, le fonctionnement de l'usine d'aliment pour 2 %, quand les matières premières représentent plus de 90 % des émissions carbone d'un porc. Dans ces matières premières, celle qui pèse le plus est la céréale et ses coproduits, qui en représente la moitié. « Non pas parce qu'elle aurait un fort impact à la tonne, explique le spécialiste, mais parce qu'elle entre en grande quantité dans les formulations des aliments d'engraissement. » Pourtant, il manque encore des éléments pour estimer l'impact de certaines matières premières, comme les tourteaux de soja, fortement émetteurs. « Par exemple, il n'y a pas de données liées à la certification des sojas non déforestants, ni sur les coproduits liquides utilisés dans les Faf : absents des tables. Certaines valeurs sont encore imprécises. »

Malgré ces incertitudes, Franck Montagnon rappelle aux éleveurs qu’ils disposent de deux grands leviers de progrès : l’efficacité alimentaire et le choix des matières premières. « Attention sur ce point, prévient-il, à ne pas déconcentrer l’aliment en énergie en cherchant à faire du bas carbone en utilisant des coproduits qui pourraient être nutritionnellement plus pauvres, comme des coproduits par exemple. » Améliorer l’indice consiste à épargner de l’aliment : « c’est répartir l’impact d’un kilogramme d’aliment sur plus de kilos de viande », explique-t-il. En cela, les performances du groupement Cooperl sont meilleures que celles de l’ensemble des éleveurs du département (Côtes-d’Armor). « En étant 0,18 point en dessous de la moyenne sur les dix dernières années, les adhérents Cooperl ont émis 4,2 % d’équivalent carbone en moins. Pour un cheptel de 250 truies NE, cela représente 135 t d’aliment économisées chaque année, soit 60 t éq. CO2/an qui ne sont pas émises. » Auxquelles il faut rajouter l’effet positif sur le bilan carbone de la réduction des émissions d’azote dans l’environnement via les effluents.
La réduction de l’IC figurera-t-elle au rang des mécanismes éligibles aux crédits bas-carbone ? La profession reste suspendue à l’approbation de sa méthode par les instances gouvernementales. Réponse dans les mois qui viennent…
Françoise Foucher
En chiffres : Repères
Produire un kilogramme de poids vif de porc émet environ 3 kg d'éq. CO2.
Le méthane a un pouvoir de réchauffement 28 fois supérieur au CO2 ; le N20 265 fois.
Réduire l'IC de 0,1 point économise 2,4 % d'émissions de CO2.