Biosis Days 2022 : Cap sur l’efficacité alimentaire

Le 24/12/2022 à 9:50 par La rédaction

Organisée par ID4Feed, la troisième édition des Biosis Days a eu lieu à Annecy les 5 et 6 octobre, avec comme thème central l'efficacité alimentaire dans un contexte de hausse des prix des matières premières. Au-delà d'une approche descriptive des ressorts de l'efficacité alimentaire chez les différentes espèces, la dizaine de présentations a également abordé des aspects de recherches et d'expérimentations, notamment autour des travaux menés par ID4Feed sur les capsaicinoïdes.

Les Biosis Days ont eu lieu au centre de conférence des Pensières, près d’Annecy, ainsi qu’en distanciel. © ID4Feed

Après s’être penché en 2021 sur l’effet des phytogéniques sur la santé et la productivité des animaux, l’édition 2022 des Biosis Days avait pour thème « l’efficacité alimentaire, clé pour la durabilité et le futur des productions animales ». Organisée comme en 2021 au centre de conférence des Pensières, propriété de la Fondation Mérieux, les Biosis Days 2022 ont été suivis par une quinzaine de participants en présentiel. En complément, une cinquantaine de participants, de 15 nationalités différentes, ont participé en distanciel.

Dans ses propos d’introduction, François Gautier, directeur général des sociétés ID4Tech, ID4Feed et de la holding Heidi4, a tout d’abord rappelé que le groupe Heidi4 regroupe deux sociétés : ID4Feed qui développe et commercialise des suppléments nutritionnels pour animaux et ID4Tech dont l’expertise est l’éco-extraction de plantes et la vectorisation. Puis, avant de laisser la parole aux conférenciers de la première session, François Gautier rappelle que la « Biosis », terme signifiant interaction en biologie, est au coeur des travaux d’ID4Feed. « Nos études ont montré que des plantes subissant un stress environnemental produisent des composés bioactifs et des métabolites secondaires qui, consommés à faible dose, confèrent aux animaux une résistance aux stress et des bénéfices santé », explique François Gautier qui ajoute que ces métabolites secondaires peuvent agir sur l’efficacité alimentaire en favorisant l’absorption des nutriments par l’intestin.

Michel Magnin : « il existe différents processus d’encapsulation ». © ID4Feed

Efficacité durable

Pour Michel Magnin, consultant en nutrition animale, il existe différents modes de définition et de calcul de l'efficacité alimentaire. À côté d'une approche basée sur le calcul de ratios (comme le ratio de conversion alimentaire qui représente la quantité ingérée d'aliment ou de matière sèche par kg de gain ou de lait produit), une autre approche part de l'ingestion résiduelle d'aliment (Residual average daily feed intake). Cette dernière couvrant d'autres besoins que les besoins de production et de maintenance. « De nombreux facteurs sont impliqués dans l'efficacité alimentaire, tels que la race, les conduites d'élevage, les conditions environnementales, la composition de l'aliment ou les additifs alimentaires », ajoute Michel Magnin. L'amélioration de l'efficacité alimentaire par la sélection peut augmenter la productivité ou diminuer l'ingéré alimentaire et les besoins d'entretien (par exemple en diminuant les réponses anti- inflammatoires et immunitaires), mais doit tenir compte de la résilience des animaux, donnant lieu à la définition d'une efficacité durable.

Il existe 27 espèces de piment de par le monde. © ID4Feed

Encapsulation et vectorisation

Puis, le Dr. Camille Rozier, ID4FeedID4Tech responsable R&D et Michel Magnin ont présenté l'intérêt des techniques d'encapsulation et de vectorisation des actifs de plantes. « Si l'encapsulation consiste à enfermer un principe actif (totum/extrait/composé unique liquide/solide/gaz) dans une matrice perméable ou semi-perméable afin de protéger, immobiliser, améliorer et/ou vectoriser les actifs, la vectorisation a pour objectif spécifique de contrôler le lieu et la cinétique de relargage des actifs », précise Camille Rozier. Il existe différents processus d'encapsulation (méthodes physiques, chimiques ou physico-chimiques) avec des objectifs multiples : préserver des composés sensibles lors du stockage ou des processus de fabrication de l'aliment (haute température, pression, lumière, oxygène), stabilisation des composés volatils, protéger les équipements (effets corrosifs des huiles essentielles), masquer un goût désagréable ou des odeurs répulsives, améliorer la biodisponibilité des actifs et contrôler leur cinétique de relargage, éviter les interactions négatives entre les actifs d'un produit avant qu'ils n'atteignent leur zone d'action.

Les auteurs ont ensuite présenté un travail de R&D in vivo traitant de l’intérêt des produits vectorisés pour lutter contre une infection à rotavirus sur porcelets. L’essai mené par la Sichuan Agricultural University (Chine) portait sur 48 porcelets sevrés, avec comme objectif de mesurer l’efficacité d’un mélange de phytogéniques encapsulés sur les lésions intestinales et la fréquence des diarrhées induites par l’infection à rotavirus. « Cet essai a montré un effet positif des phytogéniques encapsulés, ces derniers atténuant la diminution de croissance, les diarrhées et les pathologies intestinales liées à l’infection à rotavirus », concluent les auteurs, avec un effet plus marqué pour le mélange de phytogéniques encapsulés T2, composé de différents produits, dont la matrice alpha cyclodextrine.

Ces travaux in vivo présentés par Camille Rozier et Michel Magnin ont ensuite été complétés lors de la deuxième session du 6 octobre par la présentation des travaux in vitro du Dr. Charles Desmarchelier, du Centre de recherche en cardiovasculaire et nutrition de la faculté de médecine et pharmacie de Marseille, sur la biodisponibilité des curcuminoïdes. Les travaux présentés amenaient trois constats : la biodisponibilité des curcuminoïdes entre eux n’est pas la même (la bisdemethoxycurcumine est plus biodisponible que la curcumine par exemple) ; l’effet de l’aliment est très fort et rend moins biodisponibles les curcuminoïdes. Enfin, la biodisponibilité peut être améliorée par une formulation dans des gamma-cyclodextrines.

Jean-Yves Dourmad : « la durabilité de la production procine revêt des aspects économiques, environnementaux et sociaux ». © ID4Feed
Dr. Caroline Prouillac (Vetagro Sup) : « il est important de comprendre comment des substances dérivées des plantes peuvent contribuer à améliorer les performances animales et réduire l’utilisation d’antibiotiques ». © ID4Feed

Les promesses du genre Capsicum

Camille Rozier et Clémence Messant, ID4Feed responsable opérationnel, ont conclu ces Biosis Days par une présentation sur les stratégies agronomiques d’ID4Feed sur le Capsicum (piment) et l’intérêt d’ID Phyt Capcin (produit phare d’ID4Feed) dans un contexte de hausse du prix des matières premières.

« Le genre Capsicum est marqué par une grande diversité génétique et phénotypique », affirme tout d’abord Camille Rozier. Sur 27 espèces existantes, la plupart originaires du Brésil, cinq sont domestiquées et 22 non domestiquées ou sauvages. Une très grande richesse chimique marque également le genre Capsicum. Au-delà des capsinoïdes et capsaïcinoïdes ayant des propriétés anti-inflammatoires et antimicrobiennes, il est riche en dérivés polyphénoliques, en vitamines et caroténoïdes (le genre Capsicum est l’un des plus riches en caroténoïdes). « Depuis 2017, les efforts de recherches d’ID4Feed se sont concentrés sur la sélection et la caractérisation du Capsicum, aboutissant à la mise sur le marché d’une combinaison de totum de plantes aux activités biologiques validées », affirme Camille Rozier qui rappelle qu’ID4Feed a également mis au point une technologie patentée d’élicitation permettant d’augmenter la richesse en capsaïcinoïdes des piments.

« L’élicitation est une stratégie complexe nécessitant d’étudier in situ de nombreux paramètres tels que la variété ou les pratiques agronomiques », ajoute Camille Rozier, d’où la décision récente d’ID4Feed d’avoir ses propres cultures de piment, afin de contrôler toute la filière de production. Les capsaïcinoïdes et autres métabolites contenus dans ID Phyt Capcin agissent directement et indirectement dans l’amélioration de la digestibilité des nutriments, avec à la clé de nombreux bénéfices dont une meilleure efficacité alimentaire chez de nombreuses espèces animales (avec des essais terrain réalisés chez les ruminants, les volailles de chair et plus récemment chez les porcs en croissance et en finition).

Le matin même, le Dr. Caroline Prouillac de Vetagro Sup avait rappelé qu’« il est important de comprendre comment des substances dérivées des plantes peuvent contribuer à améliorer les performances animales et réduire l’utilisation d’antibiotiques, tout en limitant les baisses de performances liées au stress et la sensibilité aux infections », dans une présentation intitulée « Développement et application d’un modèle cellulaire pour évaluer l’absorption digestive des capsaïcinoïdes chez le porc ». Selon ses travaux, l’effet de la capsaïcine sur l’épithélium intestinal de porc peut jouer un rôle sur l’absorption d’autres molécules comme les capsaïcinoïdes contenus dans ID Phyt Capcin et d’autres nutriments, et le totum de plante pourrait avoir un effet différent sur la perméabilité de la barrière intestinale que la capsaïcine seule.

Philippe Caldier

Interventions - Efficacité alimentaire et durabilité au sein des espèces animales

L’efficacité alimentaire et la durabilité des productions animales ont fait l’objet d’une approche descriptive au travers de plusieurs interventions.

Dans sa présentation intitulée « vers une meilleure durabilité des systèmes de production porcine », Jean-Yves Dourmad, de l’Inrae Saint- Gilles, rappelle tout d’abord que la durabilité est un concept plutôt récent en agriculture et en élevage et revêt plusieurs aspects : économiques, environnementaux, sociaux. « De nombreuses recherches menées depuis plusieurs décennies ont permis d’améliorer l’impact environnemental de la production porcine », affirme Jean-Yves Dourmad, et ce dans des domaines très variés (alimentation, génétique, logement des animaux, traitement des lisiers…). Selon lui, l’excrétion d’azote par kilo de porc produit en France a baissé de 40 % de 1980 à 2020 et celui de phosphore de 62 %. « À l’avenir, si l’économie continuera à jouer un rôle important, en lien avec la volonté des consommateurs d’acheter des produits “plus durables”, la place de l’environnement et du bien-être animal va continuer à augmenter », conclut le conférencier. D’où la nécessité de nouvelles recherches en termes d’alimentation et de développement de systèmes de production et de produits innovants et durables.

Dans sa présentation intitulée « Optimiser l’efficacité alimentaire pour produire plus durablement des protéines de volaille », le Dr. Marie- Pierre Letourneau Montminy, professeure associée à l’Université de Laval (Canada), rappelle tout d’abord que la viande de volaille est la protéine animale ayant le plus faible impact sur l’environnement, en comparaison avec les autres protéines animales. « L’efficacité alimentaire des volailles a besoin d’être maximisée », affirme cependant Marie-Pierre Letourneau Montminy, qui ajoute que l’utilisation des nutriments par l’animal dépend à la fois de facteurs alimentaires (comme par exemple l’efficacité des protéines et du phosphore) et de facteurs non alimentaires (comme le stress, l’état nutritionnel, la santé). Une méta-analyse a permis de mettre en évidence les effets négatifs d’une infection à Eimeria sur la digestibilité iléale apparente et l’utilisation des acides aminés chez des poulets de chair. La baisse de digestibilité iléale apparente touche la plupart des acides aminés, sauf le tryptophane au sein des lots infectés par rapport aux lots non infectés, permettant d’adapter la stratégie nutritionnelle et de réduire l’augmentation des coûts liée à la coccidiose.

Puis, dans sa présentation intitulée « Efficacité digestive chez les ruminants : une relation triangulaire rumen-microbiote-hôte », le Pr. Florian Touitou de l’École nationale vétérinaire de Toulouse rappelle que l’un des piliers de l’efficacité alimentaire des ruminants est une communauté microbienne du rumen efficace et bien nourrie. « Une bonne partie de l’énergie des animaux provient de la dégradation microbienne des glucides en acides gras volatils », précise Florian Touitou, qui ajoute que trois leviers existent pour améliorer l’efficacité digestive : l’amélioration de la digestibilité de la matière sèche, l’atténuation de la production et des émissions de méthane, la dégradabilité et l’efficacité des protéines. « L’objectif est d’apporter des protéines suffisamment dégradables pour assurer la croissance du microbiote et permettre la synthèse microbienne de protéines utilisées efficacement par l’animal hôte », ajoute l’intervenant.