Bio2actives est revenu cette année pour une deuxième édition. Organisé par Biotech Santé Bretagne, ce colloque a réuni les 6 et 7 juillet à Quimper des scientifiques de nombreux centres de recherche et entreprises. L’économie circulaire, la valorisation des coproduits et les écoprocédés pour thématiques majeures.
Cinq ans après la première édition, le colloque Bio2actives, organisé par Biotech Santé Bretagne, a donné rendez-vous les 6 et 7 juillet derniers à Quimper, à de nombreux scientifiques venus de centres de recherche ou d’entreprises. La valorisation des sous-produits et coproduits par des écoprocédés favorise une économie circulaire. La bioraffinerie est une installation avec une succession de procédés permettant la valorisation de plusieurs produits et sous-produits issus de biomasses dont les microalgues et macroalgues par exemple. Algaia est une entreprise qui transforme 40 000 t de macroalgues pour en extraire de l’alginate, ce qui génère des volumes annuels importants de coproduits.
Algaia développe des modèles industriels de valorisation de biomasse algale basés sur le concept de bioraffinerie. Le projet Spiralg présente un modèle de bioraffinerie de spiruline, basé sur l’extraction de la phycocyanine en première étape (qui représente seulement 10 % de la biomasse). À l’issue de cette extraction plusieurs coproduits sont générés, le coproduit A (CPA, résidus cellulaires broyés), les auxiliaires de technologie riches en cellulose et les fractions liquides. « Dans le CPA, il y a entre 30 et 50 % de fractions protéiniques qui font entre 50 et 100 kD. Ce sont des profils d’acides aminés intéressants qui ne sont pas valorisés aujourd’hui », explique Maud Benoit – Le Gélébart, responsable R&D. La santé animale est l’un des marchés visés par les ingrédients d’origine algale qui sont développés dans les laboratoires d’Algaia. Des essais réalisés in vitro sur le système digestif équin montrent une augmentation de 17 % de la fermentation des fibres avec les coproduits à base de spiruline, récupérée après l’extraction de la phycocyanine.
Léa Vernes, docteur-ingénieure en charge des travaux de R&D procédés des algues chez Algama rappelle : « les algues contiennent une forte proportion en protéines (jusqu’à 70 % de protéines en poids sec) et sont particulièrement digestes pour certaines d’entre elles ». La FAO indique qu’en 2019, 35 millions de tonnes d’algues fraiches ont été produites en Europe par plus de 200 producteurs (macro et microalgues confondues), majoritairement en France, Espagne et Irlande. 56 000 t de microalgues, principalement la spiruline, produites en 2019 avec la Chine qui est le producteur majoritaire (97,2 %). La spiruline est une cyanobactérie avec une forte teneur en protéines : jusqu’à 60 % de son poids sec. La phycocyanine, pigment bleu, est une de ses protéines majoritaires et « possède des capacités antioxydantes, contient des minéraux (du fer assimilable), des vitamines (comme la B12 par exemple) et des fractions d’intérêts (caroténoïdes, tocophérols, acides polyinsaturés gamma-linolénique) », détaille Léa Vernes. Mais Maud Benoit – Le Gelebart évoque les volumes et les modèles économiques compliqués pour être utilisés chez des animaux de rente. « Au niveau santé et petfood, en aliment complémentaire, prébiotique, cela reste plus réaliste avec des plus petits volumes engagés. »
Coproduits animaux et applications
Les coproduits et les sous-produits représentent 30-35 % pour la volaille, 35-40 % pour le porc et 45-50 % pour les ruminants. Vincenza Ferraro, chercheuse au département Transform à l’Inrae, explique : « il ne faut pas confondre les trois axes de la biomasse animale. Les coproduits ont le même statut que la viande mais sont les abats, les intestins, les viscères, etc. Les sous-produits ce sont tous les résidus non comestibles ou qui ne sont pas destinés à l’alimentation humaine. Enfin, les biodéchets constituent les résidus des foyers, cantines, restaurants ». Les résidus qui sont non comestibles posent actuellement des problèmes de gestion et de coût très élevé. La plupart de ces sous-produits est transformée en protéines animales, en petfood et une minorité en gélatine. Environ 50 % des sous-produits sont exportés vers des pays tiers ou incinérés avec des coûts élevés.
L’os est le sous-produit le plus volumineux et le plus difficile à gérer. Parmi les deux millions de tonnes en France qui sont issues de l’abattage, 68 % sont issus de la filière bovine. L’os est biphasique : il possède une phase organique (30 %) et une phase minérale qui peut être valorisée de différente manière. Il est nécessaire de valoriser l’os car il possède du collagène, des composés anti-inflammatoires, des facteurs de croissance et de réparation de tissus mais aussi des hormones telles que l’insuline et les prostaglandines, des facteurs antitumoraux et des peptides bioactifs. « Nous retrouvons également des minéraux tels que le calcium, le phosphore et le magnésium. »
Pierrick Kersanté, responsable R&D Aquaculture, chez BCF Life Sciences, spécialiste de l’extraction des acides aminés à partir de la kératine de plume. « Il faut six jours de process pour extraire et purifier un acide aminé, informe-t-il avant de poursuivre, nous avons un profil en acides aminés unique sur le marché. Ces acides aminés sont à 92 % sous forme libre, ce qui confère au mélange un poids moléculaire faible. À des dosages très faibles, (5 kg/t), le temps d’approche vers l’aliment est réduit de 30 % avec un effet direct sur la prise alimentaire et les performances de croissance. En effet, les petites molécules, comme les acides aminés et les peptides, vont être facilement détectées par les chémorécepteurs des espèces aquatiques. » Outre ces résultats sur l’attraction, il souligne également des bénéfices relatifs à la santé des animaux : « nos études ont également mis en évidence des améliorations significatives de la survie en conditions normales et lors de challenges infectieux, avec notamment une augmentation des activités enzymatiques et du statut antioxydant des animaux ». La démarche de BCF Life Sciences est durable car elle permet de valoriser un coproduit animal sans impacter la ressource marine. Elle s’appuie sur une forte politique de recherche développement : « nous avons 35 études avec des centres de recherche internationaux et une centaine de résultats d’essais terrain sur les crevettes. Nous avons une large base de données sur cette espèce et élargissons désormais notre champ d’investigation sur différentes espèces de poissons ».
Valorisation des biomasses
Pour valoriser la biomasse et en extraire des composés riches, des procédés sont développés. Morgane Citeau, responsable R&D chez Procidys, a développé la valorisation des coproduits du cacao. Les fèves, correctement valorisées, représentent 10 % de la masse totale du fruit, 90 % sont valorisés en coproduits. « La cabosse est peu transformée et utilisée dans des marchés à faible valeur ajoutée comme l’alimentation animale », déclare Morgane Citeau. Ces produits contiennent des composés d’intérêts tels que des glucides et des fibres, intéressants pour l’alimentation animale mais aussi des protéines, de la pectine, des composés phénoliques, etc. Les composés phénoliques vont présenter environ 5 % de la cabosse, ils ont des propriétés antioxydantes. La pectine possède des propriétés gélifiantes, elle réagit avec les ions calcium et est intéressante pour former des gels.
La matière est d’abord préparée par un broyage puis par un séchage dont l’optimisation va dépendre des étapes d’extraction suivantes. Pour l’extraction, il existe différentes méthodes qui dépendent du composé à extraire : « méthode d’hydrolyse enzymatique, solvant, acido-basique, micro-onde, ultrason, etc. » Après extraction, l’extrait est séparé du résidu par des méthodes telles que la filtration, la décantation, la centrifugation ou la séparation membranaire. Le résidu peut être considéré comme un nouveau coproduit et être renvoyé dans la chaîne d’extraction avec d’autres méthodes pour isoler un autre composé d’intérêt ou être considéré comme un produit finit. L’éthanol obtient les meilleurs rendements mais la filtration membranaire est utilisée comme méthode alternative à la précipitation à l’éthanol pour « éviter l’utilisation du solvant et tous les problèmes liés au solvant : dangerosité, équipement, etc. Mais il est difficile d’obtenir des taux en matière sèche aussi hauts », déclare Morgane Citeau.
Florent Boissou, co-fondateur Biose- Dev, valorise la biomasse par voie mécanochimique. Ce sont des procédés de broyage pour la transformation de la biomasse qui sont utilisés « mais aujourd’hui, il est plutôt destiné au prétraitement, c’est-à-dire affiner, aider à l’extraction, à la formulation, etc. », explique Florent Boissou. Le broyage planétaire à deux mouvements est plus énergétique. Les réactions chimiques se font en milieu solide. « Nous favorisons les réactions sur des substrats comme la biomasse insoluble dans la plupart des solvants. » Le broyage par mécanochimie est flexible pour travailler sur un tas de substrats (algues, amidon, bois, bambou, pulpe de betterave, paille de blé, etc). « Travailler en milieu solide permet de ne pas avoir de problème d’agitation : homogénéité et agitation parfaite. Nous n’avons pas de résidus de solvant dans les produits », développe Florent Boissou.
Éva Marivain