Aftaa : Les oligoéléments et vitamines pour les vaches laitières

Le 12/02/2024 à 8:58 par Éva Marivain

L'Aftaa a organisé sa journée annuelle vaches laitières à Paris, le 23 novembre. Cette année, les besoins en oligoéléments de ces ruminants ont été la thématique principale. De nombreux intervenants se sont succédé pour aborder le sujet.

Les recommandations Nasem (2021) en oligoéléments pour les vaches laitières sont établies selon les besoins. « Elles correspondent aux besoins + 2 SD (écart-type) pour couvrir une marge de sécurité », explique Francis Enjalbert, enseignant-chercheur à l'ENVT, lors de la journée vaches laitières organisée par l'Aftaa à Paris, le 23 novembre. En effet, les recommandations doivent couvrir les besoins de 97,5 % des animaux.

Jackie Zawadzki, président du laboratoire Enform.
Jackie Zawadzki, président du laboratoire Enform.

Francis Enjalbert détaille et compare les recommandations (voir tableau). Celles de Nasem, calculées sur la base d'une méthode factorielle, montrent que les quantités nécessaires pour couvrir les besoins en oligoéléments pour les ruminants dépendent de leur stade physiologique. Selon les tables Inra 2018, le cuivre était recommandé à 10 mg/ kg de matière sèche (MS) pour chaque stade physiologique de la vache laitière. Aujourd'hui, ces valeurs varient. La vache réalise des stockages hépatiques, gages de sécurité. L'entretien et la lactation pèsent beaucoup dans l'utilisation du zinc, tout comme le manganèse pour l'entretien et la croissance, qui étaient tous deux recommandés à 50 mg/kg de MS, quel que soit le stade physiologique, selon les tables Inra 2018. Les excès du zinc et du fer entrent en compétition avec l'absorption du cuivre. Il est indispensable d'avoir un apport en cobalt chaque jour, sans être protégé dans le rumen, pour être disponible pour les microorganismes. Pour le cobalt et le sélénium, c'est la méthode globale qui a été utilisée, elle s'appuie sur les critères de biochimie et de croissance. Les recommandations en iode sont basées sur du brut et suivent la méthode factorielle. Le chrome n'a pas d'apport recommandé. À l'étranger, les pratiques sont au-delà des recommandations françaises.

Concernant les vitamines, les recommandations Nasem sont du même ordre de grandeur que l'Inra 2018 pour la vitamine A (voir tableau). La vitamine A est plutôt dégradée avec des rations riches en fourrages. Pour les vitamines D et E, « il est nécessaire de prendre en compte le pâturage et les fourrages conservés. S'il y a 50 % de pâture minimum, il ne faut pas supplémenter en vitamine E, l'herbe en possède. » Francis Enjalbert conclut : « les ouvrages évoquant les besoins sont des guides mais une adaptation est nécessaire sur le terrain, en fonction des sources et de leur particularité ».

 

Apports dans les fourrages

Jackie Zawadzki, président du laboratoire Enform rappelle que « 60 % des rations sont constituées de fourrages, voire dans certains cas 100 % ». L'iode, le sélénium et le cobalt sont déficitaires dans les fourrages car non essentiels pour la plante. « Pour qu'un gramme de sélénium passe dans la plante, il en faut 15 par hectare », explique Jackie Zawadzki. La quantité des minéraux dans les fourrages varie selon le stade de végétation, le pH, la sécheresse, la fertilisation et le mode de conservation.

Le cuivre dans les fourrages est inférieur à 20 mg/kg de matière sèche, son absorption dans les plantes est méconnue. « Le cuivre se loge dans les racines et non dans les parties aériennes et les vaches mangent les parties aériennes... »

Héloïse Lion, responsable technique Afca-Cial.

Le manganèse est l'un des éléments les plus présents dans le sol avec le fer ; le pH élevé diminue le manganèse soluble et sa mobilité. Le zinc est sous forme soluble dans le sol. Les printemps froids diminuent la teneur en zinc des fourrages. Le fer est l'élément le plus présent dans le sol et plus le pH du sol est acide, plus le taux de fer va être élevé dans les plantes. S'il est soluble dans le sol, l'herbe va être riche en fer, environ 50 à 100 mg/kg de MS, mais peut aller jusqu'à 1 000 mg/kg de MS. Toutefois, le fer en excès diminue la digestibilité de la matière sèche car il impacte les bactéries du rumen.

Le laboratoire Enform a analysé les oligoéléments d'arbres (chênes, etc.), lierre, herbacés, arbustes, etc. Il s'est avéré que les vaches laitières aiment le lierre car il contient du zinc. L'arsenic, le plomb et le fluor ne sont pas analysés. Pourtant, ils sont essentiels au métabolisme des vaches laitières. « Il est important d'évaluer la teneur en oligoéléments des fourrages, surtout s'il y a un risque. Plus important encore, l'équilibre global des oligoéléments. Il faut toujours éviter les apports excessifs pour l'environnement et la santé des animaux. »

Rahma Balegi, responsable R&D ruminants Animine.

Règlementations applicables aux oligoéléments

Héloïse Lion, responsable technique Afca-Cial, explique : « les oligoéléments sont des additifs nutritionnels. Une autorisation délivrée par l'Efsa est nécessaire pour les ajouter à la liste positive des additifs et les mettre sur le marché. » La vitamine E (3a700) a été nouvellement autorisée, en 2023 : 3a700 pour l'additif pur, 3a700i pour la préparation et 3a700ii pour la préparation et la deuxième forme. Pour la vitamine B12, toutes les formes étaient autorisées par la directive 70/524/CEE et ont été inscrites au registre, en vue de leur réévaluation. Une seule source a été réautorisée par le règlement. Les autres formes sont retirées du marché pour 2025. Cinq formes du cobalt étaient autorisées jusqu'en juillet 2023. Pour la première fois, la demande d'autorisation provisoire d'urgence a été utilisée et acceptée pour quatre de ses formes. La cinquième forme (3b304) a été réautorisée.

Pour utiliser un additif en agriculture biologique, il doit être autorisé et présent sur une liste restrictive. Six produits ont été ajoutés à cette liste : le chélate de fer (II) et d'hydrolysats de protéines (3b107), le dextrane de fer 10 % (3b100), le chélate de cuivre (II) et d'hydrolysats de protéines (3b407), le chélate de manganèse et d'hydrolysats de protéine (3b505), le chélate de zinc et d'hydrolysats de protéine (3b612) et la levure séléniée Saccharomyces cerevisiae CNCM I-3060 inactivée (3b810i). Les oligoéléments doivent être incorporés dans les aliments via un prémélange. La vitamine E peut, elle, être utilisée dans l'eau d'abreuvement. Dans les règlements d'autorisation, il y a des teneurs maximales à respecter dans les aliments complets. Dans l'aliment complémentaire, la teneur maximale est fixée à 100 fois plus que dans l'aliment complet.

Il faut prendre en compte les valeurs dans les matières premières et pour l'aliment complémentaire. La quantité ne doit pas dépasser la quantité journalière des aliments complets. Dans l'aliment complémentaire, la quantité de 100 fois plus, peut être dépassée uniquement pour les aliments complémentaires diététiques, dans un cadre précis, « mais pas 500 fois plus, sauf dans les bolus. Pour ces additifs, cela est précisé dans le texte. » Rahma Balegi, responsable R&D ruminants Animine, évoque le guide de l'Efsa : « après identification des oligoéléments, des chapitres sur la sécurité pour les manipulateurs, les animaux, la sécurité pour l'environnement avec de plus en plus d'exigences et, enfin, la sécurité pour le consommateur sont présents ».

Mickaël Routier, responsable ruminants MG2Mix.

Importance des vitamines

La vitamine B a des effets bénéfiques sur le métabolisme et la production et si les apports sont inférieurs aux besoins, des carences subcliniques surviennent. La vitamine B est un coenzyme dans les réactions métaboliques des lipides, des protéines et de l'énergie. Le manque de ce coenzyme oblige l'utilisation de voies métaboliques alternatives et donc une perte de temps et d'énergie. La vitamine B12 est le coenzyme du métabolisme du propionate, la principale source de glucose chez la vache laitière. La sécrétion de cette vitamine est importante lors du vêlage et lors de la lactation. Les folates, formes biologiquement actives de l'acide folique (vitamine B9) et la vitamine B12 jouent un rôle dans la synthèse de l'ADN.

Christiane Girard, chercheuse au ministère de l'Agriculture et de l'agroalimentaire du Canada, expose 19 expériences conduites au Canada et en Chine sur les effets de supplément en acide folique, avec ou sans supplémentation en vitamine B12. « On a observé une augmentation de la production de lait dans 14 expériences sur 19, une augmentation du taux de protéines dans le lait dans huit expériences sur 19 et aucun effet sur la consommation de l'aliment, alors qu'elles produisent plus, ni d'effet sur le poids. » Avec la même quantité de nutriments, sans utiliser ses réserves corporelles, la vache sécrète plus de composants du lait.

Ces vitamines ont d'autres rôles : une stimulation du récepteur et développement du tissu mammaire (augmente le nombre de gros follicules, etc.). Les vaches laitières qui recevaient la supplémentation perdaient moins d'état de chair en début de lactation que celles qui recevaient le sérum physiologique.

Émilie Knapp, nutritionniste ruminants Agrifirm-Quartes (Belgique), évoque la complexité de choisir ses formes d'apports d'oligoéléments en raison des interactions. « En tant que nutritionniste, vétérinaire ou éleveur, pourquoi choisir des formes organiques ? Elles sont plus biodisponibles et ont moins d'impacts antagonistes. Ce qu'on attend, c'est une bonne santé et une bonne production. Est-ce qu'ils s'absorbent et se stockent mieux ? » Un essai sur des poussins a montré une meilleure absorption des organiques par rapport aux oligoéléments inorganiques. Le sélénium organique se stocke dans les tissus et passe dans le lait et le sang, mais aucune corrélation entre le sélénium du sang et du colostrum n'a été démontrée. « Lorsqu'on donne ces oligoéléments sur du long terme, il y a un impact positif sur les boiteries, démontré dans un élevage : passage de 32,7 % de boiteries à 31 %. En fin de gestation également, le zinc est transmis au nouveau-né, le sélénium augmente la santé mammaire. »

Émilie Knapp, nutritionniste ruminants Agrifirm-Quartes (Belgique).

Et au niveau mondial ?

Mickaël Routier, responsable ruminants MG2Mix, a présenté la construction d'une offre minérale et prémix à l'étranger. Il y a une balance entre les normes et les contraintes. En effet, les contraintes d'un pays étranger pèsent plus que les techniques nutritionnelles. La première grande contrainte est l'enregistrement : il prend du temps, a des coûts et rend donc impossible la création de formules à la carte. La TVA des produits est différente d'un pays à l'autre (forte pour les prémix et minéraux, faible pour les matières premières). « Pour pallier cette contrainte, on envoie nos noyaux sur place avec notre outil de dilution », explique Mickaël Routier. Il mentionne également l'importance de vérifier la loi en vigueur : par exemple, la Russie interdit tout produit à base d'OGM, le zéro cobalt dans certains pays, le rejet de méthane. « Il faut s'adapter à la demande. »

La variabilité des prix est plus forte qu'en France, ce qui pousse les entreprises à trouver des équivalents. « Les normes et recommandations sont assez floues dans certains pays (étiquette fausse, surdosage...). La quantité est nécessaire, la qualité et la conservation (oxydation, pH, lumière, chaleur, humidité dans certains pays...) également. Toutes les vitamines n'ont pas la même stabilité. La vitamine A est peu stable. En revanche, la vitamine E est très stable. Choisir des chlorures qui prennent rapidement l'humidité est un choix intelligent. Il est intéressant d'utiliser des chélates pour travailler sur la stabilité. Il faut aussi avoir un support intelligent comme l'argile, les carbonates, etc. pour garantir la stabilité du produit. » Chaque pays a également ses règles de transport : l'Arabie Saoudite souhaite recevoir ces prémix en container frais avec des thermomètres à l'intérieur, vérifiés par la douane ou encore des interdictions de gerber les palettes, ce qui peut créer des déchirures de sacs.

« Toutes ces contraintes pèsent lourd. Il y a une réelle difficulté d'avoir le prémix parfait. Il faut caractériser les besoins des animaux, se poser les questions : est-ce qu'on prend en compte les fourrages, quelles sont les normes, on se met au-dessus, en-dessous ? Il faut faire attention à la génétique et à la sensibilité des races (sensibilité à l'urolithiase chez les ovins), au niveau de production. »

Dans certains pays, les vaches laitières consomment des fientes de volaille qui contiennent des antibiotiques, ce qui créé des interactions avec les oligoéléments. La demande sociétale n'est pas la même d'un pays à l'autre, que ce soit pour la couleur de la viande, la qualité de gras et la couleur du gras. MG2Mix échantillonne à l'étranger et ramène les échantillons en France, sous vide, pour cibler les oligoéléments présents dans les fourrages et matières premières. « Cela montre souvent une forte variabilité en macroéléments interpays, mais également intrapays, en fonction des régions. »