Smart Agri : les ressources du numérique en alimentation animale

Le 12/03/2018 à 11:31 par La Rédaction

Pour leur deuxième édition, les rencontres Smart Agri ont réussi à faire se croiser les enjeux du numérique avec ceux de la nutrition animale, à travers des conférences mais aussi et surtout par la présentation de projets innovants, mettant notamment en valeur l’intérêt de la nutrition de précision.

Le lycée de Pommerit Jaudy a accueilli les rencontres Smart Agri le 30 novembre dernier, organisées en partenariat avec la technopole Anticipa et Agretic. Claude Le Hervé, professeur du BTS en production laitière, considère que les avancées technologiques constituent autant d’outils pour demeurer compétitifs.
Le lycée de Pommerit Jaudy a accueilli les rencontres Smart Agri le 30 novembre dernier, organisées en partenariat avec la technopole Anticipa et Agretic. Claude Le Hervé, professeur du BTS en production laitière, considère que les avancées technologiques constituent autant d’outils pour demeurer compétitifs.

« Le croisement des filières revêt un caractère important pour l’attractivité des métiers », a fait remarquer en introduction Marc Janvier, directeur du lycée agricole de Pommerit-Jaudy, qui a organisé cette journée fin novembre 2017, en partenariat avec la technopole Anticipa et avec le soutien des institutions locales, départementales et régionales. Une dizaine de start-up ont ainsi pu présenter leurs innovations et illustrer en quoi le numérique pouvait solutionner de nombreuses problématiques agricoles : un boîtier connecté permettant une « vision augmentée des bâtiments d’élevage » (Copeeks), un outil de mesure en abattoir de la qualité nutritionnelle des carcasses bovines (Valorex), diverses solutions optiques pour une conduite personnalisée de l’élevage, un outil de dialogue (extranet) entre adhérents et coopérative (Sodiaal). Les étudiants des filières agricoles (BTS) et techniques (Enssat) ont également planché sur l’élaboration de solutions numériques pour résoudre des problématiques précises telles que l’optimisation de la gestion des prairies.

Le numérique apporte des outils de gestion qui permettent à l’exploitant d’avoir une approche fine et précise de ses problématiques. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’alimentation. « La nutrition de précision apporte une réponse à un contexte, en l’occurrence améliorer l’efficacité alimentaire tout en limitant les rejets dans l’environnement », explique Ludovic Brossard, directeur de recherche à l’Inra. Face à l’évolution des élevages, qui sont de plus en plus grands avec des animaux hétérogènes, l’éleveur doit pouvoir gérer au mieux cette variabilité « naturelle ». Le principe de l’alimentation de précision consiste justement à mieux caractériser les performances du troupeau, à l’échelle du groupe mais aussi individuelle. L’aide à la décision n’est possible qu’une fois les informations traitées et interprétées, et ce « de façon automatique et dans le temps ».

C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la valorisation des données, a souligné Benoît Dassé, de BCEL Ouest : « Aujourd’hui, l’éleveur, en plus de piloter des animaux, doit piloter des automates. Il nous faut donc l’accompagner dans la valorisation de ses données issues du compteur à lait, l’activité des animaux, la pesée, etc. » BCEL compte ainsi pour mission principale de collecter les données et les croiser pour aider les éleveurs dans leurs prises de décision.

Meilleure valorisation des nutriments

Les potentiels liés à l’alimentation de précision ont fait l’objet d’une étude par un groupe précurseur en 2014 : Ines Andretta et son équipe ont en effet évalué cinq programmes d’alimentation en porcs charcutiers : un programme classique en trois phases avec dans chacune d’elles une même combinaison de prémélanges A (riches en éléments nutritifs) et B (pauvres) et quatre programmes multiphases avec un apport en lysine de plus en plus faible (110 %, 100 %, 90 % et 80 %). Il est apparu que la baisse en lysine n’a pas eu d’effet sur le GMP et n’a donc pas entraîné de dégradation de performances. « Cette valorisation des nutriments s’avère intéressante d’un point de vue économique et environnemental. Ainsi pour les truies gestantes, l’alimentation conventionnelle comporte de forts excès au début, observe Ludovic Brossard. L’alimentation de précision permet de diminuer ces excès tout en empêchant toute déficience. Des solutions existent pour gérer l’alimentation, avec par exemple des Dac adaptés selon les mesures du gras, de l’épaisseur du lard dorsal, etc. En croissance, il existe des systèmes de tri qui amènent les animaux lourds vers une zone d’alimentation et les plus légers vers une autre. »

Pour le chercheur, la vraie innovation aujourd’hui réside dans les nouvelles voies de traitement des données en temps réel, car cela permet « d’anticiper les performances en donnant l’alimentation correspondant ». Le projet BEAlim, mené par l’Ifip et l’Inra, vise en ce sens à intégrer un ensemble de données pour mieux définir la ration quotidienne des truies gestantes. L’activité des animaux est évaluée grâce à des capteurs qui mesurent ainsi les dépenses énergétiques avec précision. Le projet européen Feed a Gene vise quant à lui à mieux caractériser les animaux et les aliments qui leur correspondent, par un système de combinaison d’informations en temps réel, intégrées dans des outils d’aide à la décision. « Les challenges d’aujourd’hui consistent à affiner, repenser les modèles de prédiction des besoins avec d’autres paramètres à intégrer (santé, température, etc.) et des changements de paradigmes selon ce que l’on cherche à évaluer. » Et Ludovic Brossard de compléter : « Il faut repenser la formulation pour optimiser les prémélanges prérégimes à l’échelle de l’élevage et selon des critères multiples (performances économiques, environnement, etc.). L’alimentation de précision a encore de beaux jours devant elle. »

Sarah Le Blé