Porcs non castrés : réduire les odeurs sexuelles par l'alimentation

Le 14/01/2013 à 15:32 par La Rédaction

L'arrêt de la castration était le thème d'une journée technique organisée par l'Ifip en octobre dernier, au Zoopôle de Ploufragan (Côtes d'Armor). S'il existe plusieurs alternatives possibles à la castration, la voie alimentaire est une piste pour réduire les risques d'odeurs.

Avant d'aborder les aspects techniques de l'arrêt de la castration, la journée de l'Ifip a tout d'abord précisé le contexte réglementaire de cette question d'actualité en donnant notamment la parole à Laurence Bonafos, de la Commission européenne (DG SANCO, Santé et Consommateurs). La castration des porcs est au cœur de la directive 2008/120/CE sur la protection des porcs. Selon celle-ci, les procédures provoquant dommages ou perte d'une partie sensible du corps sont interdites, à l'exception de la castration des porcs mâles qui doit être réalisée par un vétérinaire ou une personne formée et expérimentée.

La directive précise également que si la castration a lieu plus de sept jours après la naissance, une anesthésie complétée par une analgésie prolongée doit être réalisée par un vétérinaire. « Dans certains pays européens, la castration des porcs mâles n'est pas pratiquée et il existe plusieurs initiatives nationales - aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche, en Allemagne - sous forme de déclarations volontaires pour arrêter la castration », précise Laurence Bonafos.

Par ailleurs le contexte réglementaire européen sur cette question connaît une nouvelle étape avec la déclaration européenne sur les alternatives à la castration chirurgicale des porcs, adoptée en décembre 2010, qui prévoit :

-      la castration avec analgésie et/ou anesthésie prolongée au moyen de méthodes mutuellement reconnues depuis le 1er janvier 2012

-      l'abandon de la castration chirurgicale des porcs au 1er janvier 2018

« Il s'agit d'une initiative volontaire qui réunit tous les acteurs de la filière porcine, y compris le secteur de l'alimentation », ajoute Laurence Bonafos qui précise que l'un des objectifs de la déclaration est de développer les outils nécessaires pour rendre possible l'arrêt de la castration chirurgicale au 1er janvier 2018. Concrètement, l'engagement de la Commission repose sur un budget de 133 000 € destinés à financer des études sur le sujet et sur le lancement d'un site dédié, www.alternativepig.eu, qu'elle héberge. « Le site ne vivra que par vos apports et nous sommes à la recherche de partenaires signataires de la déclaration », indique Laurence Bonafos qui rappelle qu'une conférence sur les alternatives à la castration chirurgicale des porcs sera organisée par la Commission à Bruxelles, le 17 décembre 2012.

Trois appels d'offres publics sont publiés sur le site de la Commission autour de trois thèmes de recherche : étude sur les méthodes de détection rapide de l'odeur de verrat sur les sites d'abattage, étude sur la réduction des composés de l'odeur de verrat lors de l'élevage, de la gestion et de l'alimentation des porcs, étude sur l'acceptation par les consommateurs de la viande venant de porcs non castrés.

Plus de fibres

Didier Gaudré (Ifip) : « Toute amélioration du risque androsténone permet de diminuer le risque scatol. »
Didier Gaudré (Ifip) : « Toute amélioration du risque androsténone permet de diminuer le risque scatol. »

La journée organisée par l’Ifip a permis d’évoquer les solutions pour réduire les odeurs sexuelles par la voie alimentaire. Dans une première présentation, Didier Gaudré, de l'Ifip, rappelle tout d'abord que deux composés identifiés sont considérés comme les principaux responsables des odeurs sexuelles de viande de porcs mâles entiers : l'androsténone, stéroïde d'origine testiculaire, et le scatol, issu de la dégradation du tryptophane par la flore intestinale. « Une partie de ces composés produits par l'organisme est stockée dans les graisses », affirme Didier Gaudré.

Si la teneur en androsténone des gras est peu dépendante de la composition de l'aliment, une étude Ifip qui sera présentée aux prochaines journées de la recherche porcine met en évidence un effet positif du rationnement alimentaire. En revanche le poids d'abattage a peu d'influence sur la teneur en androsténone des gras, pour des poids vifs compris entre 90 et 115 kg.

Les études menées par l'Ifip mettent également en évidence que toute amélioration du risque androsténone permet de diminuer le risque scatol. Un apport de fibres permet le plus souvent de réduire la production et l'absorption du scatol dans le côlon.

(...)

Quelles sont les matières premières influençant le risque scatol ? Si les pulpes de betteraves, le son de blé et les coques de soja sont sans effet, plusieurs matières premières ont un effet favorable : l'amidon crue de pomme de terre (un essai suédois a apporté des résultats très significatifs avec un apport de 0,6 kg/j deux semaines avant abattage à 115 kg), le bicarbonate, l'inuline, la chicorée (les racines de chicorée diminuent la production de scatol, mais avec un coût prohibitif de 5 €/porc), les lupins, le lactose, la caséine.

Le risque scatol est aussi diminué par la propreté de la case (caillebotis intégral) et une mise à jeun de 26 heures. « Il reste encore beaucoup à connaître sur l'intérêt des fibres vis-à-vis du risque scatol, conclut le conférencier qui soulève plusieurs interrogations : Quel taux ? Quelle durée ? Quelle fibre ou matière première fibreuse ? Quel élevage ? »

Réduction du coût alimentaire

Nathalie Quiniou (Ifip) : « Les besoins en acides aminés des mâles entiers sont plus élevés en fin d'engraissement comparativement aux besoins des animaux castrés ou des femelles. »
Nathalie Quiniou (Ifip) : « Les besoins en acides aminés des mâles entiers sont plus élevés en fin d'engraissement comparativement aux besoins des animaux castrés ou des femelles. »

Dans une deuxième présentation, Nathalie Quiniou, de l'Ifip, rappelle que la station expérimentale Ifip de Romillé est mobilisée depuis 2009 pour actualiser les connaissances sur le mâle entier. « On peut alimenter les mâles entiers en soupe ou à sec, mais il est conseillé de les alimenter de façon libérale pour valoriser leurs performances et éviter les comportements négatifs induits par la compétition alimentaire », affirme Nathalie Quiniou qui met en évidence plusieurs observations sur les mâles entiers en comparaison aux mâles castrés :

-      une diminution d'environ 10 % de la consommation spontanée d'aliment ;

-      une amélioration d'environ 10 % de l'indice de consommation ;

-      pas de différence systématique de vitesse de croissance.

Enfin, la composition corporelle des animaux à l'abattage est différente selon qu'ils sont castrés ou non. Par rapport au poids vif vide, les mâles entiers présentent 1,3 % de 5e quartier en plus (14 % pour les mâles entiers contre 12,7 % pour les castrés), plus de maigre (55,5 % contre 54,7 %) et moins de gras externe (12,6 % contre 15,4 %).

L'analyse de la composition du gain de poids amène une observation complémentaire : il faut moins d'énergie au mâle entier pour déposer un kilo de poids, mais autant d'acides aminés. « Les besoins en acides aminés du mâle entier dépendent du dépôt de protéines dans le gain de poids, et on estime les besoins en lysine digestible à environ 20 g/kg de gain de poids », précise Nathalie Quiniou qui ajoute que les besoins en acides aminés des mâles entiers augmentent en fin d'engraissement (+17 % par rapport aux mâles castrés et aux femelles).

Quel est l'impact de la non-castration sur le coût de revient des éleveurs ? « La production de mâles entiers peut permettre une réduction de la charge alimentaire de 1,8 à 3,40 €porc sorti selon le niveau de performances de l'élevage », estime Alexia Aubry, de l'Ifip, dans sa présentation. « Le gain économique en élevage est notable, mais n'est pas garanti pour tous les éleveurs », conclut-elle. L'impact de la non-castration sur le coût de revient total dépend en effet des performances de l'élevage et du contexte aliment (prix de l'aliment et distribution ou non d'un aliment distinct entre mâles entiers et femelles).

Plusieurs éléments restent difficiles à chiffrer, comme des dépenses de santé moindres (moindre sensibilité aux infections) et un impact environnemental plus faible (rejets d'azote réduits pour les mâles entiers, donc moins de surfaces d'épandage à rechercher).

Philippe Caldier

Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 662 - décembre 2012