Dans le prolongement de son inventaire photographique des usines bretonnes d’alimentation animale (voir RAA 647), Laurent Bellec poursuit aujourd’hui son projet artistique à l’échelle européenne. La Revue de l’Alimentation Animale vous propose de suivre les étapes de son parcours, en publiant tous les deux mois ses carnets de voyage photographiques à travers l’Europe.

Les usines d’alimentation animale ont « une esthétique architecturale qui leur est propre » et Laurent Bellec est le premier à poser son regard de photographe pour la révéler. Après un tour de Bretagne des fabriques d’aliment, restitué à travers plusieurs expositions, Laurent Bellec entreprend dès octobre 2012 la constitution d’un fonds photographique des usines à l’échelle européenne, dans le cadre d’un projet ambitieux qui s’étend sur cinq ans. Une première exposition sera visible lors du congrès de la Fefac (lire interview croisée ci-dessous), et chaque année sera ponctuée par la parution d’un livre photographique d’une quarantaine de pages (la sortie du premier opus est prévue pour juin 2013), afin de constituer un coffret de cinq volumes d’ici 2016. L’optimisme de la profession face à cette initiative est palpable, et GMP+ International a d’ores et déjà intégré le projet au sein d’une démarche visant à valoriser la filière à travers l’art.
« Mon projet est le fruit d’une rencontre entre une intuition artistique et la volonté d’un secteur de mieux faire connaître son métier », explique le photographe, qui s’est auparavant intéressé à d’autres « marqueurs historiques » tels que les cabines téléphoniques, les stations-services ou les transformateurs. Sa démarche est entre autres animée par le sentiment que l’architecture industrielle contemporaine est aujourd’hui un peu le « parent pauvre » de la représentation des bâtiments en photographie, qui a tendance à se concentrer davantage sur les tours ultra modernes et gigantesques ou au contraire sur des friches industrielles.
Or c’est justement le dialogue entre l’activité industrielle et sa représentation qui intéresse Laurent Bellec. Son travail se construit à cet égard en étroite collaboration avec les acteurs de la filière, que ce soit l’Afab (Association des Fabricants d’Alimentation du Bétail), avec qui il a initié le projet, ou la Fefac (Fédération Européenne des Fabricants d’Aliments Composés) qui constitue aujourd’hui « le plateau technique majeur du projet » avec les associations nationales des différents pays adhérents européens participants.
Identité d’un territoire
Les usines photographiées se dessinent tels des plans de coupe sur fond de paysage ou de ciel, donnant un aspect très graphique aux bâtiments. Le choix de l’artiste d’une lumière très sobre et d’un environnement dépouillé de tout élément humain ou sémantique (absence de logo, de signe) aboutit à une photographie très « silencieuse » qui amène à se concentrer sur l’outil de travail et qui « oblige le spectateur à s’approprier l’usine, y compris le non spécialiste »(...)
Commençant par l’Allemagne et la Belgique en octobre, Laurent Bellec compte sillonner l’ensemble des pays membres de la Fefac avant d’élargir encore davantage son circuit à l’international : « Le projet reste ouvert et les nouveaux partenaires sont toujours bienvenus », indique le photographe, qui lance un site Internet à la rentrée avec tous les détails du projet (www.art-feedmanufacture.com).
Un projet « unique » et « fédérateur » soutenu par la Fefac
Interview croisée de Laurent Bellec, artiste-photographe et auteur du projet Art&Industry, et de Patrick Vanden Avenne, président de la Fefac*, partenaire du projet.
RAA : Le projet Art&Industry pose un regard original sur l’industrie de l’alimentation animale. Quel a été l’accueil des fabricants face à cette approche artistique de leur univers ? Comment s’inscrit ce projet dans les missions de la Fefac ?
Laurent Bellec : J’ai reçu un accueil très enthousiaste des fabricants. Je tiens à remercier les 85 usines et 35 groupes industriels qui se sont déjà inscrits au projet. 9 pays sont concernés à ce jour (Pologne, Suisse, Allemagne, Belgique, Espagne, Portugal, Autriche, France, Pays-Bas), mais mon objectif est de photographier les usines de tous les pays adhérents à la Fefac au terme des cinq années de projet.
Patrick Vanden Avenne : La profession se révèle extrêmement enthousiaste, nous sommes agréablement surpris par cet accueil très favorable. Cela montre la fierté des industriels de présenter leur outil d’un point de vue architectural, mais aussi l’intérêt de valoriser notre industrie auprès du grand public par une approche originale, à travers notre patrimoine et son architecture singulière. La Fefac se fixe comme ambition que les 21 pays membres soient représentés. En tant que représentant de l’industrie de l’alimentation animale, une de nos missions est aussi de créer une image positive de notre profession.
Art et industrie, deux notions a priori assez éloignées. Quel lien faites-vous entre les deux ?
LB : La photographie nous oblige à réévaluer nos propres critères des normes esthétiques. Exposer des photographies d’un ensemble d’usines permet de se rendre compte de leur diversité et de leur rendu très « art contemporain ». Très peu photographiées d’un point de vue artistique, les usines dégagent ainsi une esthétique qui leur est propre et qui permet une autre représentation de leur existence. Ce sont des « objets » très stimulants pour un photographe d’architecture : des matériaux de construction très divers qui dégagent une certaine beauté. Anciennes ou récentes, leurs monumentalités sont fascinantes et très graphiques.
PVA : L’activité industrielle n’est pas contradictoire avec la dimension artistique. Nos usines d’alimentation animale font parfois figures de « cathédrales » du monde rural, avec une grande diversité d’un point de vue architectural. En ce sens c’est pour nous un projet unifiant, qui montre la richesse de notre profession sous un angle original. On y voit des bâtiments très symboliques qui témoignent d’une identité forte. (...)
Quel sera le premier temps fort visible autour du projet ?
LB : La première exposition a lieu au cours du XXVIe Congrès de la Fefac à Cracovie, en Pologne, du 5 au 8 juin 2013, et j’ai des propositions pour 2015 lors d’événements internationaux de la filière. Je cherche d’ailleurs dès maintenant d’autres lieux d’exposition pour 2014 en Europe, et pourquoi pas sur d’autres continents. Au vu de l’ambition du projet, je suis d’ailleurs à la recherche de nouveaux partenaires, en Europe et hors Europe.
PVA : Le Congrès de Cracovie marquera le premier « moment suprême » avec le vernissage de l’exposition, qui sera visible pendant les quatre jours dans un espace de 200 m2. Étant donné que le Congrès de la Fefac se tient tous les 3 ans, il est tout à fait envisageable qu’il accueille ensuite l’aboutissement du projet.
*Fédération européenne des fabricants d’aliments composés