Biomin a présenté son approche stratégique de la santé intestinale des porcs, lors d’une journée technique organisée le 25 mars dernier au Zoopôle de Ploufragan (22). Centrée autour de l’impact délétère des mycotoxines sur l’épithélium intestinal, cette journée a permis aux experts Biomin de livrer leurs analyses sur la question, ainsi qu’à l’Inra, par la voix d’Isabelle Oswald, d’exposer son interprétation des effets des trichothécènes sur l’intestin. Tour d’horizon.

Biomin travaille depuis plus de trente ans à la recherche d’alternatives aux antibiotiques en se spécialisant sur la lutte contre les mycotoxines, et en particulier sur la relation que celles-ci entretiennent avec l’immunité de l’animal. Une question qui, selon Christian Tenier, directeur de Biomin France, « entre tout à fait dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance prônée par le plan EcoAntibio ». Le plan gouvernemental mis en place par le ministère de l’Agriculture en 2012, suite au rapport inquiétant de l’Anses, prévoit en effet de réduire l’usage vétérinaire des antibiotiques de 25 % d’ici 5 ans. Décliné en 40 mesures, le plan vise entre autres à développer des alternatives aux antibiotiques et notamment à « promouvoir la recherche dans le domaine de l’immunité et de l’utilisation de vaccins ou d’autovaccins » (mesure 15) et d’« évaluer le bénéfice de traitements alternatifs permettant de limiter le recours aux antibiotiques » (mesure 19).
Biomin travaille précisément en ce sens : « Les mycotoxines modifient-elles les réponses vaccinales des porcelets ? L’épithélium intestinal joue-t-il un rôle actif dans la réponse immunitaire de la muqueuse intestinale ? C’est à ces questions que nous allons tenter de répondre aujourd’hui », introduit Christian Tenier devant un public d’horizons variés : fabricants d’aliments bien sûr, mais aussi représentants de laboratoires d’analyses, fabricants de vaccins, firmes-services, instituts techniques et de recherche, vétérinaires…
Effet délétère du DON
Isabelle Oswald, chercheuse au laboratoire de toxicologie à l’Inra de Toulouse, a étudié avec son équipe l’impact du trichothécène (DON) sur l’intégrité et la perméabilité intestinale. « L’épithélium intestinal est une monocouche de cellules qui tapissent la lumière intestinale et qui agit comme un filtre sélectif ; il constitue également une barrière par rapport à l’environnement extérieur », rappelle la spécialiste qui a déjà publié une thèse en 2006 sur les conséquences de l’ingestion d’aliments contaminés par les mycotoxines sur les fonctions intestinales. Cette étude a été complétée en 2013 par Bertrand Grenier et Todd Applegate, qui ont établi que les mycotoxines touchaient plusieurs fonctions intestinales telles que l’absorption d’éléments nutritifs (car les bactéries agissent sur les hormones qui régulent la satiété), la fonction barrière (altération des tissus) et la réponse immunitaire intestinale (inflammation).
Isabelle Oswald est revenue en détail sur le mécanisme de dégradation du DON sur le tractus intestinal : « Nous avons étudié les effets de faibles concentrations de mycotoxines à travers trois approches :
- le modèle in vivo où le porc est nourri avec de l’aliment contaminé (en monocontamination) ;
- le modèle ex vivo où l’on travaille avec des explants intestinaux (morceaux d’intestin) qui nous permettent d’avoir le tissu entier avec toutes les relations entre les différentes cellules ;
- le modèle in vitro, avec des cellules épithéliales intestinales cultivées. Cette approche rend l’individu très contrôlé mais les résultats sont limités », précise la chercheuse. D’après ces expériences, on observe que l’action du trichothécène consiste à réduire la prolifération des cellules intestinales – pourtant connues pour se développer très rapidement – et diminuer la hauteur des villosités. L’approche in vivo vient confirmer les résultats in vitro et ex vivo souligne Isabelle Oswald. Ainsi le marquage sur les animaux contaminés au DON permet d’observer que celui-ci agit spécifiquement sur les cellules de jonction entre les cellules. La réponse immunitaire locale intervient sous forme d’inflammation.

Gare aux co-contaminations
Mais finalement les résultats que peut livrer une seule contamination restent à nuancer car ils ne se retrouvent jamais tels quels dans la réalité. « L’analyse se centre généralement sur un seul contaminant, mais ce qui compte c’est d’étudier la synergie, prévient Isabelle Oswald. Les co-contaminations sont une règle, pas une exception ! », qu’il s’agisse d’un champ qui produit plusieurs mycotoxines ou d’un aliment contaminé par plusieurs d’entre elles. Les études en plan factoriel permettent justement de caractériser le type d’interaction et l’amplitude de cette dernière : « L’isobologramme est un graphe qui intègre l’effet synergique ou antinomique de plusieurs éléments additionnés », précise la chercheuse. Ainsi concernant l’interaction entre DON et 3 Ac-DON (un dérivé présent dans la plupart des éléments contaminés au DON), l’expérience fait ressortir l’effet synergique de l’interaction. « Mais le type d’interaction est encore plus compliqué que celui attendu, observe Isabelle Oswald. Avec une même ration et un même mélange, la réponse varie selon la dose. » Malgré la difficulté de bien connaître le fonctionnement et les paramètres des mycotoxines, il apparaît clairement que l’intestin est un organe cible pour le DON et ses dérivés, conclut la chercheuse qui évoque les études en cours sur la mise au point de vaccins spécifiques.
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Rôle des phytogéniques
Pour le spécialiste porc, les phytogéniques permettent de remplir ces défis, tout en gardant à l’esprit que la nutrition est un levier de régulation essentiel, avec la gestion de l’élevage. Le foie, centre de détoxification important, doit être en parfaite santé, rappelle-t-il. Or les sources de stress hépatique sont nombreuses, et parmi elles les contaminations par les endotoxines ou encore les mycotoxines. Il est donc essentiel de se concentrer sur la bonne qualité des matières premières et d’être particulièrement vigilant sur des périodes sensibles telles que le sevrage. « Juste après le sevrage, le porcelet mange moins que nécessaire, la paroi intestinale s’abîme, les villosités s’aplatissent, la digestion est plus difficile et les nutriments sont moins bien transportés. Enrichir les rations est une solution très intéressante, mais si l’on constate la présence de mycotoxines, le problème d’ingestion alimentaire va perdurer. Associé à un anti-mycotoxine, le phytogénique Digestarom (2), permet d’améliorer l’ingestion et de protéger la ration », expose André Van Lankveld.
Et de rappeler le rôle crucial de l’efficacité alimentaire pour améliorer l’indice de consommation : « Un gramme de croissance équivaut à 0,026 euro par charcutier (pour un poids carcasse de 92 kg). Et l’indice de consommation représente les trois quarts de la marge supplémentaire possible. » Les facteurs influençant l’efficacité alimentaire sont également déterminés par la lignée, le sexe, la technologie alimentaire, le statut sanitaire et la nutrition. « Les mâles entiers, qui représentent plus de 50 % du cheptel hollandais, impliquent d’être encore plus vigilants à la nutrition : ils mangent moins que des castrés et sont plus difficiles. Le Digestarom peut stimuler efficacement l’ingestion. »
« À chaque élevage sa solution » semble être le leitmotiv de la société, qui insiste néanmoins sur le besoin de redoubler de vigilance en périodes critiques comme la mise-bas, le sevrage et l’engraissement et de recourir ensuite aux solutions adaptées.