Journée Ruminants MixScience : l'innovation est source de progrès

Le 08/06/2015 à 10:44 par La Rédaction

En introduction à la journée technique MixScience dédiée aux ruminants, Géry Brussart, qui dirige la structure, a annoncé un investissement dans la station de recherche dont dispose le groupe, le MRC pour MixScience research center : un nouveau bâtiment abritant 120 vaches laitières et doté de deux robots de traite sera opérationnel dans quelques mois. La journée en a témoigné : l’innovation est au cœur de la stratégie de MixScience.

MixScience a invité Katrine Lecornu, la présidente de l’European dairy farmers (EDF) à ouvrir sa journée technique consacrée aux ruminants. « Nous sommes un réseau d’éleveurs qui échange dans le but de progresser, présente-t-elle. Nous nous basons essentiellement sur des comparaisons de nos coûts de production pour pouvoir nous évaluer sur une base économique fiable. Nous ne sommes pas les plus gros éleveurs ou les meilleurs éleveurs de nos pays respectifs mais nous sommes plus curieux et sans doute plus ouverts. Nous sommes 500, dont 300 ont donné leurs résultats comptables qui constituent pour nous un bon indicateur de tendances. Nous n’avons pas pour objectif d’être plus nombreux car nous pensons que pour échanger il faut se connaître. Nous sommes 39 éleveurs français. » Katrine Lecornu est installée dans la plaine de Caen.

La fin des quotas
Elle rappelle que les éleveurs sont très méfiants : « Nous croyons ce que nous voyons. Nous avons toujours plus confiance dans l’expérience d’un collègue que dans le discours d’un commercial. Un technicien qui ouvre son ordinateur dans ma cuisine et qui calcule la ration de mon troupeau sans aller voir mes animaux, je n’y crois pas. À vous d’identifier les besoins de l’éleveur que vous avez en face de vous : veut-il du prix et du volume, veut-il du conseil, un suivi sur le long terme, est-il opportuniste ? Vous devez écouter les éleveurs avant de leur proposer un produit. Je suis prête à payer du conseil sans acheter le produit. Par exemple, je peux privilégier du suivi vétérinaire plutôt que des médicaments en urgence si la santé de mon troupeau s’améliore sur le long terme et qu’à l’issue du suivi je vois dans mes chiffres comptables que j’ai gagné de l’argent. »

Stéphanie Hourte, responsable du service ruminant de MixScience, a animé cette journée technique.
Stéphanie Hourte, responsable du service ruminant de MixScience, a animé cette journée technique.

Si le réseau EDF est européen, Katrine Lecornu souligne la grande diversité de la production laitière des 25 pays de l’Union : « Nos collègues irlandais sont très excités par la fin des quotas : leurs usines sont prêtes, les laiteries avaient investi et attendent l’afflux de lait ! » Pourtant les experts s’accordent à dire que la fin des quotas n’entraînera pas un choc de production : la hausse à l’horizon 2020-2022 est estimée de 4 à 8 %. « Le quota européen d’hier était de 150 milliards de litres de lait, la production était de 143 milliards de litres de lait. Une augmentation de 4 % permettra tout juste d’atteindre le niveau autorisé par les quotas. » C’est pourquoi à ses yeux, la gestion du prix par la limitation des volumes est une stratégie totalement dépassée. Toutefois l’évolution de production ne sera pas homogène sur le territoire européen : « La milk belt, qui va de l’Irlande au Danemark en passant par les Pays-Bas, la Belgique et l’ouest de la France, pourrait connaître une croissance de 24 %. Le Danemark produit déjà 30 000 kg de lait à l’hectare et affiche des ambitions de croissance de +25 %. » Katrine Lecornu est persuadée que même en dehors de cette ceinture laitière, il y aura un avenir pour la production laitière : « La concurrence va s’accroître notamment pour le foncier. Les fourrages vont augmenter, de même que le prix de l’aliment : le coût de production risque d’augmenter fortement dans cette milk belt. Il n’est donc pas exclu que les régions herbagères, où il n’y a pas de concurrence agronomique avec les céréales, puissent tirer leur épingle du jeu. »

Améliorer le coût de production
Quels que soit le pays, la région et le système, quel que soit le niveau de production, ce qui importe aux adhérents d’EDF est leur marge qui fait leur revenu. « Nous ne cherchons pas un modèle mais un système cohérent dans ses conditions climatiques, agronomiques, réglementaires, etc. »

Michal Laskowski, de la filiale BNA Polska, a présenté la production laitière polonaise qui avec 9,9 milliards de litres de lait produits, a été en dépassement de quota de l’ordre de 6 %.
Michal Laskowski, de la filiale BNA Polska, a présenté la production laitière polonaise qui avec 9,9 milliards de litres de lait produits, a été en dépassement de quota de l’ordre de 6 %.

Pour calculer la rentabilité de ses exploitations, le réseau EDF considère toutes les charges auxquelles se rajoute la rémunération du capital investi : « Car nous considérons que nous sommes des entrepreneurs et qu’il est normal de rémunérer notre capital. » À la main-d’œuvre nécessaire à la production laitière et la production du fourrage est affecté un taux horaire, en France 16 €/h toutes charges comprises. Pour comparaison la Suède table sur 30 €/h. « Entre 2013 et 2014, de moins en moins de fermes du réseau sont rentables sans les aides de la Pac. Le coût de production a augmenté plus vite que le prix du lait. Ce qui fait la différence dans la compétitivité ce sont les charges de structure, décrit Katrine Lecornu. Le prix du lait suffit en général à couvrir les charges décaissées mais il peine à rémunérer la main-d’œuvre et ne suffit clairement pas à payer la terre et le capital investi. Seuls les Allemands, les Hollandais et les Danois ont eu ces dernières années la rentabilité leur permettant d’épargner. »
Et Katrine Lecornu le clame haut et fort : « La rentabilité ne dépend pas du prix du lait ! Cela veut-il dire que nous ne savons pas raisonner nos investissements quand le prix du lait est favorable ? Ou que nos laiteries s’arrangent pour n’augmenter le prix du lait qu’à un niveau minimum ? Sans doute un peu des deux. ». Elle observe que malgré la volatilité du prix du lait, les courbes à long terme, sur au moins une dizaine d’années, montrent une tendance clairement haussière du prix du lait. Mais ces mêmes courbes montrent que le coût de production augmente plus vite : « Nous ne contrôlons pas le prix du lait, notre seule marge de manœuvre est notre coût de production qui doit être le plus bas possible. Dans ce contexte de variabilité du cours du lait, quand mon coût de production est élevé je gagne beaucoup d’argent sur une très courte période. Si mon coût de production est faible, je gagne moins mais sur une plus longue durée. Il nous faut des repères simples pour gérer ce nouvel élément qu’est la volatilité. »
Elle considère aussi que « ce n’est pas le prix du lait qui permet de payer les salariés mais l’efficacité. Dans notre réseau les plus efficaces passent 36 heures/VL/an, les moins efficaces 107 heures/VL/an ». Les études d’EDF montrent que le robot et l’automatisation ne sont pas les seules voies de l’efficacité : « Les grands troupeaux de plus de 200 vaches ont la même efficacité, mais surtout certaines fermes familiales de moindre taille ont des performances remarquables : comment font-elles ? Peut-on être efficace en temps de travail et avoir une bonne rentabilité ? Croiser les données de l’efficacité avec les résultats économiques est notre prochain objectif. » Les éleveurs d’European dairy farmers sont persuadés que l’innovation est une source de progrès, mais ils regrettent de devoir déléguer leur R&D à leur environnement technique : « Il est important que les éleveurs prennent leurs décisions et en soient responsables », estime Katrine Lecornu.

(...)

F. Foucher

Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 686 mai 2015