Les 11 et 12 juin derniers, le Groupe CCPA a organisé à Paris son premier Colloque multi-espèces sur le thème de l’impact de la nutrition sur la reproduction, la qualité des nouveau-nés et la lactation. L’événement a rassemblé près de 110 participants, professionnels de la santé et de la nutrition animales français et internationaux : vétérinaires, chercheurs, chefs de marché porc, cunicole et ruminants, distributeurs agricoles et responsables commerciaux. Onze nationalités étaient représentées (Allemagne, Portugal, République Tchèque, Italie, Espagne, Belgique, Madagascar, Algérie, États-Unis, Canada et Brésil).
« Ce type d’événement multi-espèces est rare ! s’exclame Fabrice Robert, responsable R&D du Groupe CCPA, en préambule. Pourtant, certaines thématiques essentielles, comme la nutrition des femelles reproductrices, sont communes aux différentes espèces animales. » Basé sur le principe de mutualisation des connaissances scientifiques, avec des parallèles réalisés entre élevages ruminants, porcs et lapins, ce colloque propose une démarche de Benchmarking ou comment s’inspirer d’une espèce pour innover dans une autre… Et les analogies sont nombreuses, même si les réponses varient d’une espèce à l’autre. Avec des interventions de chercheurs, de vétérinaires, de nutritionnistes et des témoignages terrain, les deux demi-journées se sont articulées autour de trois sessions thématiques :
- L’impact de la nutrition de la mère sur le développement fœtal.
- L’état corporel des femelles reproductrices : quelles conséquences ? Quel pilotage ?
- Les conditions physiologiques d’une bonne lactation.
Et comme pour convaincre les rares dubitatifs, Fabrice Robert se prête à une petite déclinaison simple en matière de base de référence multi-espèces. Chacune d’entre elles offre une particularité évidente :
- concernant l’évaluation du statut corporel de l’animal : la truie s’impose en termes de modèle d’évaluation des réserves, l’échographie y suffit,
- en matière de développement de l’embryon, la prolificité du lapin et la brièveté du cycle de reproduction en fait un client idéal,
- et quant à la lactation, la mesure en est directe chez la vache.
Nutrition des mères et carrière de leur progéniture
Le professeur Kim Vonnahme, du département des sciences animales de l’université du Dakota du Nord, a ouvert la première session en présentant ses travaux concernant l’influence de la nutrition des mères sur le développement embryonnaire. En effet, la nutrition de la mère et son état corporel vont conditionner l’expression de certains caractères génétiques du fœtus, avec des conséquences significatives sur le développement du futur animal : on parle de « programmation du développement ». Par exemple, il a été démontré qu’une activité modérée des truies pendant la gestation augmentait la circulation placentaire et, en conséquence, augmentait la qualité de carcasse de leur progéniture. Le professeur a souligné l’impact de la nutrition de la mère sur les échanges de nutriments placentaires et, par conséquent, sur la santé des futurs animaux et leur productivité (croissance, capacité de reproduction, longévité…).
Ses travaux ont trouvé un écho dans les interventions de Karine Bébin, spécialiste cunicole CCPA, et de Nicolas Destombes, responsable technique et nutrition lapin de Terrena, avec des résultats terrain mettant en évidence une amélioration de la viabilité embryonnaire. Les perspectives en élevages de porcs et ruminants ont également été évoquées. Les intervenants ont insisté sur l’intérêt de penser le plan d’alimentation en fonction du fœtus, via la concentration en acides aminés en fin de gestation, l’apport des vitamines du groupe B ou encore la réflexion autour du niveau et de la nature de l’énergie apportée à la mère.
Les derniers enseignements de la recherche et les essais terrain suggèrent également des pistes d’innovation, en termes de nutrition individualisée des mères et de pilotage nutritionnel pour orienter la carrière future de leur progéniture.
Le suivi du statut corporel, paramètre d’ajustement de la nutrition
La seconde session s’est focalisée sur le suivi de l’état corporel des femelles. Le professeur Jean-Yves Dourmad, ingénieur de recherche à l’Inra de Rennes, a fait état du lien étroit existant entre le statut corporel des femelles reproductrices, la reproduction et la santé future des nouveau-nés. La mobilisation des réserves corporelles lipidiques et protéiques avant la mise-bas doit être maîtrisée sous peine de préjudice sur la santé et les performances de production des femelles et la santé de leur portée. Un engraissement excessif des femelles entraîne des mises-bas difficiles, un déficit en lactation et un état inflammatoire avancé : « Ne pas trop grossir en gestation pour ne pas maigrir en lactation. » Les outils de mesure et leur intégration dans le management de la nutrition sont différents d’une espèce à l’autre, allant d’une utilisation sporadique de l’évaluation du statut corporel à une utilisation systématique, couplée à une adaptation individuelle du niveau alimentaire.
Chez les truies, le suivi de la dynamique corporelle (muscle et tissus adipeux) en fin de gestation montre que « le déficit nutritionnel des truies en fin de gestation pénalise la croissance de toute la portée », indique Laurent Roger, responsable du département porc CCPA.
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Marion Le Béchec