Trois mois après avoir lancé son nouveau design corporate, au salon EuroTier de Hanovre, Delacon a organisé, le 26 février à Vienne, sa première conférence sur la nutrition des ruminants axée sur l'efficacité alimentaire en production laitière.
Avant de donner la parole aux trois conférenciers de la matinée, Markus Dedl, président-directeur général de Delacon, a proposé une présentation de l'entreprise fondée par son père, Helmut Dedl, en 1988. « Notre mission est d'améliorer l'efficacité alimentaire, la santé animale, ainsi que la sécurité alimentaire grâce à de nouvelles associations de substances naturelles et tout en minimisant l'impact environnemental », affirme-t-il en préambule. Ce dernier rappelle ensuite que c'est Delacon qui a inventé le terme de « phytogéniques », recouvrant des additifs alimentaires naturels et composés d'extraits végétaux, tels que les épices, les tannins, les saponines, les substances amères, les substances mucilagineuses et les huiles essentielles. Ayant son siège à Steyregg près de Linz, où se situe sa propre usine de production, et son global sales office à Toulouse, Delacon emploie 110 salariés de par le monde. La société, qui compte des filiales et des bureaux de représentation dans 16 pays, a des clients de plus de 50 nationalités. « Notre objectif est de valoriser l'immense potentiel que représentent les plantes ayant de multiples substances actives, insiste Markus Dedl. À titre d'exemple, les flavonoïdes stimulent le système immunitaire, les saponines diminuent les émissions d'ammoniac, les huiles essentielles ont un effet antioxydant tout en stimulant le système digestif et l'appétit, tandis que les épices vont améliorer le métabolisme. » L'innovation reste au cœur de la stratégie de l'entreprise dont le budget R&D représente 10 % de son chiffre d'affaires. Delacon a d'ailleurs inauguré en 2011 son propre centre de recherches à Znojmo, en République tchèque. Au-delà d'une section volailles de chair (1 440 animaux) et pondeuses (500 animaux), ce centre dispose d'une section émission de douze salles individuelles permettant de mesurer les émissions de gaz de volailles, de porcs ou de petits ruminants.
Alban Llorca, responsable de la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) et président de cette conférence bovine, a donné son point de vue sur le développement des ventes de Delacon dans le monde : « Sur la zone Europe, Moyen-Orient, Afrique et Amérique Latine, la principale activité est en production avicole avec le Biostrong 510. La nouvelle gamme de produits ruminants Actifor nous permet une nouvelle approche des marchés (nouveaux pays et nouveaux clients) et de satisfaire les demandes de nos clients actuels. Delacon confirme et concentre son activité sur les plantes et les extraits végétaux afin de proposer au secteur de la nutrition animale des additifs phytogéniques associant performances et rentabilité économique. Cette approche permettant d’aborder de nouveaux thèmes comme la réduction des émissions de méthane, ce qui complète notre volonté de réduire les gaz à effet de serre. » En parallèle du ruminant, de nouveaux produits sont en cours de développement pour compléter les gammes Biostrong et Fresta. Après deux ans de développement auprès de ses partenaires, Delacon est maintenant « certains que la gamme Actifor permettra de soutenir la croissance sur les années à venir et de garder le cap des 20 % de croissance chaque année ». Pour supporter cette approche, Delacon vient de renforcer son équipe ruminant avec M. Maurice Gex-Fabry afin de répondre aux exigences techniques. Ce développement est pour l’instant basé sur les pays dont l’approche phytogénique est nouvelle (Amérique Latine, Amérique du Nord, Moyen-Orient) et où Delacon est déjà bien représenté (Nord de l’Europe, Europe de l’Est, Asie).
« Nous vendons des performances et pas seulement des produits », conclut Markus Dedl qui insiste sur le management de la qualité (l'usine de Steyregg est certifiée HACCP et Fami-QS).
Complexité du rumen
Markus Dedl donne ensuite la parole à Sharon Huws de l'Ibers (Institut de biologie, environnement et sciences rurales), structure de recherche dépendant de l'Université d'Aberystwyth aux Pays de Galle. Outre une ferme laitière et des installations de recherche et un laboratoire, l'IBERS compte un groupe d'une dizaine de chercheurs dénommé « Herbivore Gut Ecosystems ». Ce dernier mène des recherches orientées à 80 % sur le rumen, avec trois pôles d'intérêts : les émissions de méthane, la production et la qualité des produits.

Dans son intervention, Sharon Huws rappelle la complexité du microbiome du rumen qui compte 300 espèces de bactéries, 40 espèces de protozoaires et 30 espèces de champignons anaérobiques. « Le microbiome du rumen est essentiel pour les besoins en protéines et en énergie. Tout déséquilibre dans cet univers microbien peut aboutir à des maladies graves telles qu’acidoses ou abcès du foie », ajoute la conférencière. Selon cette dernière, les protozoaires du rumen se répartissent en deux familles (type A et type B), et de nombreuses questions restent en suspens par rapport à cette diversité des protozoaires spécifiques à l'hôte : existe-t-il des interactions entre l'hôte et les microbes, ou bien un lien avec la génétique des ruminants ? Les essais menés par l'IBERS ont mis en évidence que seules 10 % des bactéries du rumen peuvent être cultivées. L'application de technologies, telles que la métagénomique, permet d'étudier les 90 % de bactéries restantes non seulement sur le plan génétique, mais aussi sur le plan du fonctionnement du rumen. On a ainsi pu découvrir que de nombreuses bactéries du rumen, jusqu'à présent non cultivées, jouaient un rôle dans la dégradation des fibres. « De nombreuses bactéries du rumen peuvent utiliser l'amidon comme source de carbone », ajoute Sharon Huws qui précise que nous ne savons encore peu de chose sur les amylases et leur mode d'action.
À propos du métabolisme lipidique du rumen, elle l'estime « plus complexe que prévu », avec un rôle probable joué par des bactéries du rumen jusqu'à présent non cultivables. Puis la conférencière fait allusion à des travaux de l'Inra qui ont montré qu'une supplémentation de vaches laitières en huile de lin conduit à une réduction de 64 % des émissions de méthane par rapport à des animaux ne recevant pas cette supplémentation. Enfin, les saponines peuvent améliorer l'efficacité des nutriments tout en réduisant les émissions de méthane et la biohydrogénation du rumen. « L'explosion d'informations consécutive à l'application de nouvelles technologies va nous ouvrir de nouvelles pistes pour explorer le microbiome du rumen et en améliorer notre compréhension », conclut de façon optimiste Sharon Huws.
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Philippe Caldier
Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 685 avril 2015