Protéines végétales : Relocaliser pour une nutrition animale cohérente

Le 14/10/2024 à 14:17 par Ermeline Mouraud

Le projet Coopeara, piloté par la Coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes, fédère 23 partenaires, de la semence auproduit fini, autour d’un objectif commun : relocaliser la chaîne d’approvisionnement en protéines végétales pour l’alimentation animale et améliorer la résilience des élevages à l’échelle régionale.

Démarré au début de l'année, Coopeara est un projet collaboratif inédit de structuration d'une filière régionale de production et de valorisation de protéines végétales en élevage. En partie financé par l'État dans le cadre de l'appel à projets « Résilience et capacités agroalimentaires 2030 », il est piloté par la Coopération agricole Auvergne-RhôneAlpes (LCA Aura). Ce consortium fédère 23 partenaires, dont 17 opérateurs économiques agricoles régionaux (parmi lesquels Atrial, Cizeron Bio, Nutralp et Agrial) et six organismes techniques (notamment Terres Inovia, Olexa, l'Idele et la chambre d'agriculture) autour d'un objectif commun : réduire la dépendance aux importations de tourteaux de soja et de tournesol et améliorer la résilience des élevages à l'échelle régionale.

« Il y a trois ans, la Coopération agricole a lancé une étude auprès de nos fabricants d'aliments en Auvergne-Rhône-Alpes. Les flux ont été analysés. Résultat : 95 % des tourteaux de soja et 58 % des tourteaux de tournesol utilisés provenaient d'Amérique du Sud via le port de Sète. Nous avons décidé d'agir pour relocaliser la production sur notre territoire et faire quelque chose de structurant, avec des impacts socio-économiques pour tous les acteurs », explique Jérémie Bosch, responsable du projet Coopeara. Pour cela, à la faveur de trois années de travail et de concertation, « nous avons réussi à mettre toute la chaine de valeur, de la semence au produit fini, autour de la table. Alors que certains acteurs économiques sont potentiellement concurrents, se félicite le président du consortium, Yannick Dumont. La clé du succès est là ! »

Jérémie Bosch de LCA Aura, est responsable du projet Coopeara. © La Coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes

Rotations culturales, autonomie alimentaire...

L'ambition est de passer de 95 % à 59 % de tourteaux de soja importés en accroissant la surface cultivée en AuvergneRhône-Alpes à 15 000 ha (soit + 110 % par rapport à l'emblavement actuel), de 58 % à 50 % pour le tournesol grâce à 4 000 ha supplémentaires (soit + 14 %) et de substituer 6 % des tourteaux de colza. « Attention, nous n'allons pas retourner des prairies pour augmenter les surfaces, appui Yannick Dumont, nous allons travailler sur les cultures adaptées au contexte pédoclimatique et agronomique de la région, la diversification des assolements et les rotations culturales. »

Yannick Dumont, président du consortium. © La Coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes

Il précise que le projet « ne doit pas être réduit à un sujet soja et tournesol. Il s'agit de relocaliser la production de protéines végétales pour une nutrition animale cohérente. L'idée n'est pas de substituer une tonne par une tonne mais d'être le plus cohérent avec les besoins, en fonction des systèmes d'élevage. » Coopeara s'accompagne donc d'un travail sur la ration des animaux et l'amélioration de l'autonomie alimentaire des élevages, ainsi que sur le coût de production. « Il s'agit d'une approche très globale. » Un réseau de 54 fermes pilotes en production laitière, bovine, ovine, porcine et caprine soutien cette démarche. « Elles nous permettent de tester des solutions agronomiques et zootechniques. »

Ce projet d'envergure s'appuie sur l'implantation de trois usines de trituration (lire encadré) dans l'Allier (Ucal), l'Ain (Nutralp) et l'Isère (Oyxane). Avec l'appui financier du Plan de relance de l'État et la Région, plusieurs coopératives ont récemment investi dans des outils industriels. « Ces investissements, menés en parallèle du projet, nous ont stimulés et ont eu un impact significatif sur sa réalisation », souligne Yannick Dumont. Elles devraient permettre de valoriser 70 000 t de graines d'ici quatre ans. Cela représente un potentiel de 45 000 t de tourteaux pour l'alimentation animale et de 20 millions de litres d'huiles qui seront également destinées à l'alimentation humaine. « À moyen terme, l'huile sera embouteillée dans nos usines. » Le consortium a prévu, afin de tester la valorisation de la garantie d'origine sur le marché, de réaliser des tests d'achats des produits finis auprès des consommateurs (B to C) au sein de micro-filières, en viandes bovine, porcine et produits laitiers. Jérémie Bosch indique que le projet devrait « générer 34 M de valeur ajoutée sur le territoire ».

...et impact carbone

La démarche vise aussi une amélioration du bilan carbone de la filière et une transition agroécologique des exploitations. En agissant en premier lieu sur la déforestation importée et la réduction des émissions de CO2 associées au transport des matières premières, la diminution estimée est de « 600 000 km de camions, soit une économie d'environ 80 t de CO2 par an ». En parallèle, les besoins en engrais azotés devraient également être réduits, grâce à l'introduction de légumineuses, avec un gain significatif de 10 544 t de CO2 par an. « Nous portons également une attention particulière aux consommations énergétiques de nos outils de trituration qui peuvent permettre d'éviter 40 à 60 % d'émissions de GES. » À terme, les coproduits de trituration pourraient être valorisés pour la production d'énergie renouvelable.

À l'issue des travaux, prévue dans quatre ans, le consortium diffusera et valorisera les résultats. Pour « une montée en compétences des instituts techniques, des services agronomiques des structures de conseil » et « une appropriation par les agriculteurs, afin de favoriser la compétitivité de la filière régionale et française ». Deux événements spécifiques seront organisés pour une plus grande visibilité, à miparcours et à la fin du programme, en lien avec les deux autres projets protéines impactant le territoire (Cap Protéines et Aura Protéines).