Matières premières : biologiques, non-OGM et locales

Le 10/12/2018 à 11:26 par La Rédaction

La montée en puissance du bio ne s’est pas démentie cette année dans les allées du Space, notamment auprès des fournisseurs de matières premières. Autre grande tendance de fond : le non OGM. Autant d’opportunités pour le développement de filières locales et à moindre impact environnemental, en réponse aux attentes sociétales.

« Le Space, c’est le thermomètre ! » Sur le stand de Margaron, distributeur-collecteur français de coproduits et de matières premières à destination de la nutrition animale, Sébastien Kervella, responsable commercial l’assure : « À la fin de la semaine, on connaît le tonnage que l’on va faire l’année qui vient ! » C’est également l’occasion de passer en revue les tendances. Pour lui, il s’agit de la recherche d’amidon et de protéine à bas prix. La demande est notamment en augmentation pour les drèches de brasseries, « qui permettent un apport de protéines (28 pt) au meilleur coût ». En complément des fourrages, elles représentent une alternative au soja. « On observe également un bouleversement du marché du colza, avec un manque de volume produit. Il n’y a pas ou très peu de production européenne, seulement un ou deux acteurs français, et une demande de tourteau de colza, non OGM, en augmentation, notamment pour le segment lait. »

Clément Lemoine, commercial chez Bonda.
Clément Lemoine, commercial chez Bonda.

Au niveau national, les collectes spécifiques de lait issu de vaches nourries sans OGM se développent et certains AOP l’exigent déjà. « La demande en matières premières non-OGM ne cesse d’augmenter », constate également Clément Lemoine, commercial chez Bonda, autre spécialiste des coproduits pour l’alimentation animale. Sur le stand, il présentait ainsi le Bondasteep, « un correcteur de ration à base de soluble de maïs, de son de blé et produit mélassé, qui peut être utilisé pour remplacer un soja OGM ou un colza ». Fabriqué à Nesle, dans la Somme et destiné essentiellement aux ruminants, il contient « 60 % de MS, 31 % MAT, pour 0,6 d’UF. Un correcteur c’est ce qu’on avait, jusqu’à présent, du mal à trouver en coproduit ».

Valorex mettait également cette année en avant sur son stand une solution destinée à réduire l’utilisation de tourteau de soja OGM et plus globalement la dépendance des élevages aux importations de protéines. En collaboration avec l'Inra, l’entreprise bretonne a développé la technologie Prodival, une solution brevetée, décorée d’un Innov’Space et d’un Inel d’Or, qui repose sur « la combinaison d’une sélection de graines protéagineuses françaises et d’un procédé technologique de cuisson spécifique, pour une valorisation nutritionnelle optimale par les différentes espèces animales, ruminants et monogastriques, explique Béatrice Dupont, directrice commerciale de Valorex. Il y a un volet production végétale et un volet technique ».

Béatrice Dupont, directrice commerciale de Valorex.
Béatrice Dupont, directrice commerciale de Valorex.

Dans le cadre de ce projet, lancé en 2015 et financé par BPI à hauteur de 17 millions d’euros, Valorex a testé un millier de combinaisons, croisant les graines et les process de cuisson-extrusion « en fonction des espèces, voire des sous-espèces. C’est en volaille que se passer de tourteau de soja est le plus compliqué ». Une ligne de production pilote, « de 30 t/h », a été installée. « À terme, l’objectif est de développer ce nouveau process industriel et de mettre à disposition des licences de production, en région, pour valoriser les matières premières locales et pour construire des filières. Prodival permettra ainsi aux filières de se différencier et aux éleveurs d’accéder à une meilleure rémunération de leurs produits en répondant aux attentes sociétales de productions locales, françaises et à moindres impacts environnementaux ». Présent sur le stand Valorex, Antoine Boixière, éleveur laitier au Gaec Tertre Goutte, à Pleudihen sur Rance (Côtes d’Armor), souhaitait s’engager « dans une démarche plus responsable, même si le sans OGM n’est pas valorisé du tout par ma laiterie ». Il a donc testé des noyaux extrudés Prodival sur son exploitation (120 vaches). « Et ça a marché ! On a observé une montée en lait. » Avec une production moyenne de +0,67 1/vache. « Un jour, je me suis trompé dans la commande et avec l’autre aliment ça a immédiatement rebaissé ! C’est satisfaisant de voir qu’avec des matières premières françaises, on a des vaches en bonne santé et capables de produire. »

Autre nouveauté à avoir reçu cette année un Innov Space : FeedMarket.fr, la plateforme digitale de vente de tourteaux et d’huiles végétales brutes pour l’alimentation animale lancée par Avril, au travers de sa filiale Saipol. Destinée aux éleveurs, aux négociants et aux fabricants d’aliment du bétail, elle permet de visualiser en temps réel le cours des matières premières. Elle offre ainsi aux éleveurs la possibilité de se positionner sur des prix compétitifs pour contractualiser l’approvisionnement de leurs élevages en tourteaux de colza, de tournesol et de soja, ainsi qu’en huiles brutes. « La contractualisation est possible 24 heures/24, du lundi au vendredi, souligne Cédric Pasco, commercial, ajoutant : FeedMarket.fr met particulièrement en avant l’origine France garantie et les productions non OGM, qui sont demandées dans de plus en plus de cahiers des charges. Pour répondre à l’ensemble des besoins, notamment en termes de prix, d’autres origines sont également commercialisées sur la plateforme, mais on sent une tendance de fond. Une démarche de certification vient même d’être mise en place pour les tourteaux non-OGM. »

Aude Wyckaert, assistante de direction et Benjamin Waldhoff, directeur commercial de France Mélasses.
Aude Wyckaert, assistante de direction et Benjamin Waldhoff, directeur commercial de France Mélasses.

Benjamin Waldhoff, directeur commercial de France Mélasses, spécialiste des produits liquides notamment pour le marché de la nutrition animale, note également la multiplication des cahiers des charges et des exigences concernant les matières premières : « On nous demande de plus en plus de garanties de durabilité, d’origine, non OGM, etc. Nous n’avons aujourd’hui pas un simple rôle de fournisseur de matières premières, nous sommes dans une mouvance d’accompagnement sourcing, de définition des attentes. Nous proposons des produits à façon, cousus main. Aujourd’hui, la maîtrise et la collaboration en amont avec le client ont un rôle primordial et apportent une plus value. » Autre constat : « La mélasse bio marche très fort, l’augmentation est très marquée : +25 % des tonnages en un an. Cela reste une niche, mais nous sommes contents de ce développement et il faut accompagner le marché. »

Produits naturels

Car l’autre grande tendance cette année, « c’est le bio ! », assure Christophe Lambert, responsable technico commercial chez Quimdis, société spécialisée dans la recherche, la mise au point et la distribution, sur le marché européen, de matières premières à destination des secteurs alimentaires, diététiques, cosmétiques et nutrition animale. « Il y a un mouvement vers le naturel, assure le distributeur de produits aromatiques et d’huiles essentielles pour le bien-être et la nutrition des animaux. Mais pour l’intégration d’huiles essentielles il n’y a pour le moment pas de case réglementaire, ça reste nouveau et on essuie les plâtres ! C’est technique, compliqué, il faut faire attention aux allégations : on est suivi de très près, plus que pour les autres secteurs. Aujourd’hui, la vigilance est aussi plus forte sur les origines. Le feed demande beaucoup de travail. »

La société Lafaure a développé le Bento+, nouveauté présentée sur le salon, un aliment complémentaire minéral composé de produits 100 % naturels à base d’argile bentonite, de carbonate et de zeolite.
La société Lafaure a développé le Bento+, nouveauté présentée sur le salon, un aliment complémentaire minéral composé de produits 100 % naturels à base d’argile bentonite, de carbonate et de zeolite.

Pierre Alizier, ingénieur agronome chez Lafaure, spécialiste français (carrière et production en Périgord) de l’argile bentonite « 100 % pure et naturelle, agréée bio et FCA », ajoute ainsi que « dans la législation actuelle, la bentonite à l'état pur est considérée comme un additif. Il faut donc une autorisation vétérinaire pour l’utiliser. Avec un complément minéral, il n’y a plus besoin de cette autorisation ! » Lafaure a donc développé le Bento+, nouveauté présentée sur le salon. « Il s’agit d’un aliment complémentaire minéral composé de produits 100 % naturels à base d’argile bentonite, de carbonate et de zéolithes, à destination de toutes les espèces animales. » Une supplémentation minérale « avec un spectre d'activité plus large que la bentonite pure. Ce nouveau produit est appétent, agit sur les pathologies digestives, contribue à un meilleur démarrage, limite l’impact des toxines et mycotoxines, favorise les bonnes conditions d’élevage et améliore les performances globales des animaux. »

L’entreprise grecque Geohellas présentait également une argile 100 % naturelle : l’attapulgite. « Il n’existe que trois mines dans le monde, au Sénégal, aux États-Unis et en Grèce », explique Christos Krikelas, support technique. Ce minéral aluminosilicate rare possède une capacité élevée d'adsorption et d'absorption des substances indésirables. Il est utilisé en nutrition animale pour « la liaison et l'élimination des mycotoxines, ainsi que pour le renforcement de la sécurité digestive et la réduction des diarrhées et de la mortalité chez les nouveau-nés et les animaux sevrés ». Geohellas propose une gamme complète de formules nutritionnelles naturelles, utilisées notamment pour la protection de la muqueuse intestinale des jeunes animaux contre les infections à E. Coli, « comme alternative aux activateurs de croissance antibiotiques. Ils améliorent l'efficacité alimentaire, la santé et de la productivité des animaux. » Geohellas extrait et traite mécaniquement 15 000 t d’argile minérale par an, qu’elle exporte dans 33 pays, « notamment auprès de fabricants d’aliments bretons ».

Martin Pamiseux, directeur d’Oxybiotop.
Martin Pamiseux, directeur d’Oxybiotop.

Les produits développés par Oxybiotop, entreprise basée en Ille-et-Vilaine, sont eux aussi utilisables en agriculture biologique. Distribués sur l’Europe et l’Asie, il s’agit de « produits basés sur la maîtrise de nouvelles technologies fondamentales et utilisant les énergies naturelles », explique Martin Pamiseux, le directeur. Ils sont divisés en trois gammes : Siliterre, « stimulation de la flore aérobie du sol et restauration de l’équilibre de l’écosystème pour un rendement optimum voire amélioré », Silieau, « stimulation de la microfaune aérobie, floculation des substances en excès et limitation de l’eutrophisation pour un retour du système à l’équilibre », et Silielevage, « pour la réduction des temps de valorisation, réduction des mauvaises odeurs et amélioration de la valeur fertilisante des produits obtenus ». C’est dans cette dernière gamme que se trouve Silifeed, nouveauté présentée pendant le Space. « Il s’agit de matières premières minérales activées, utilisées en traitement de l’alimentDe la poudre de roche, naturellement bio. » Ce complexe 100 % minéral, « utilisable en porc et volaille, starter, engraissement et repro, ainsi qu’en ruminants lait et viande », agit sur l’hydrolyse des matières stomacales, « avec un effet bénéfique sur le contrôle de la flore. L’aliment peut être vecteur de bactéries pathogènes ayant pour conséquences des troubles digestifs, retards de croissance, réduction des performances voire mortalité des animaux. Silifeed a un effet oxygénation, avec augmentation des villosités intestinales donc de l’absorption des nutriments. Il favorise la digestion des protéines. Il a aussi un effet catalyseur, avec une meilleure valorisation des minéraux et une meilleure assimilation des oligo-éléments, et un effet anions, la charge négative de la silice boostant l’efficacité des H+ et donc des acides organiques de l’aliment ou de l’eau de boisson. La balance électrolytique est plus stable et les échanges sang/cellules sont meilleurs. » Il a également un effet milieu : « Le lisier est plus riche en azote organique et en minéraux et non agressif pour le sol et les plantes ».

E. Mouraud