La seconde édition du salon Viv MEA (Moyen Orient-Afrique) a attiré 6 660 visiteurs et 368 exposants à Abu Dhabi aux Émirats arabes unis, du 5 au 7 février. Retour sur ce rendez-vous réussi, qui confirme son statut de plaque tournante régionale et de hub international.
Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, a accueilli du 5 au 7 février la deuxième édition du salon Viv MEA. « Située au cœur de la partie continentale du Moyen-Orient, la ville sert de passerelle vers les économies émergentes de la sous-région du Grand Mékong. Avec son infrastructure bien développée, sa stabilité politique et sociale et son ouverture constante à l'investissement étranger, elle est un pôle d'attraction pour les entreprises étrangères à la recherche d'un emplacement stratégique pour créer ou développer leurs activités », note l’organisation du salon. Encore plus sur le marché agricole, « un marché énorme puisque dans la région la quasi-totalité des produits entrant dans l’organisation des élevages est importée : matières premières, équipements, vitamines, formules ou encore animaux, indique Sophia Salmi, conseillère en commerce international pour Business France. « C’est également un marché fortement dépendant du savoir-faire étranger. » Les entreprises françaises ont donc plus d’une carte à jouer.

Cette année, elles étaient une trentaine à avoir élu domicile dans les allées du Centre national des expositions d’Abu Dhabi. « La France est la deuxième délégation après les Pays-Bas, pays organisateur des salons Viv », se félicite Anne Perilhou, chef de projet export Business France et responsable du Pavillon France sur le Viv MEA. Dix-sept d'entre elles, « dont onze bretonnes », étaient regroupées sous la bannière Créative France, marque de Business France créée il y a deux ans à l’occasion du premier Viv MEA. « Le pavillon France, mis en place en partenariat avec Bretagne commerce international, BCI, a été agrandi et fait cette année 248 m2. La nutrition animale représente 80 % des entreprises. » Parmi elles, A-Systems, société éditrice de logiciels, notamment de formulation, qui réalise 75 % de son chiffre d’affaires à l’international. « Notre nouveau logiciel de formulation, Allix3, est particulièrement adapté au marché puisqu’il permet d’écrire dans n’importe quelle langue, dont l’arabe », indique July Chaparro, responsable communication.
Outre les barrières linguistiques, la région, qui s’étend de l’Asie du Sud-Ouest à l’Égypte en passant par l’Iran, l’Afghanistan et les états du Maghreb, possède d’autres spécificités. À l’occasion du salon, Business France a réalisé, pour le compte des entreprises françaises exposantes du Pavillon France, une étude de marché sur l’élevage dans la région. Aux Émirats arabes unis (EAU), comme dans le reste de la péninsule arabique, les productions principales sont la volaille et les bovins lait. « À la différence du modèle français, les élevages sont essentiellement intégrés, indique Sophia Salmi. Suivent les chameaux, élevés pour le loisir (course) mais aussi pour le lait et la viande. Ainsi que les faucons, pour la chasse, loisir traditionnel très prisé dans la région. » Les EAU comptent 25 000 exploitations, dont 86 % ont moins de 4 ha. Les grandes exploitations appartiennent à des Émiriens mais sont gérées et travaillées par des employés étrangers.
L’agriculture émirienne
L’enquête menée par Business France relève qu’aux Émirats arabes unis, les terres arables et forêts représentent seulement 2 % du territoire. De plus, les EAU auraient perdu 42 % de leurs sources d’eau renouvelées entre 1992 et 2007, passant de 72 000 litres à 42 000 litres par personne et par an, contraignant la production alimentaire et entraînant la fin administrative progressive des cultures de fourrages. Jusqu'à la moitié des années 2000, l’agriculture émirienne était semi-commerciale : la production était essentiellement destinée au fourrage pour les élevages laitiers et pour assurer des revenus aux agriculteurs, l’État rachetait les productions à tarif intéressant, dont l’irrégularité et la faible qualité ne rencontraient pas de succès sur le marché. Mais en 2017, il n’existe plus de production de blé, orge, maïs, riz, ni de fourrages luzerne aux EAU.
Cependant « leur position géographique compense leur impossible autosuffisance », assure l’enquête. Ils sont devenus le premier importateur de fourrages pour animaux d’élevage du Conseil de coopération du Golfe (GCC, composé de l'Arabie saoudite, de Bahreïn, d’Oman, du Qatar, des Émirats arabes unis et du Koweït). Le Gouvernorat d’Abu Dhabi était le principal acheteur du pays grâce aux subventions régionales, qui ont pris fin le 1er juillet 2016. Les EAU importent également pour le voisinage, cherchant à consolider leur condition de plateforme commerciale. L’émirat d’Abu Dhabi subventionnait également les fabricants d’aliments locaux, cela a permis le développement de grandes entreprises spécialisées dans la fabrication de prémix et produits finis. Souvent l’État est actionnaire de ces entreprises locales. Ces dernières cherchent à établir des partenariats solides avec des producteurs étrangers pour garantir les importations.
La composition de l’alimentation, de plus en plus sophistiquée avec une utilisation plus marquée d’enzymes et d’acidifiants, devient un axe fondamental dans les élevages laitiers et volailles, et la recherche de produits alternatifs aux antibiotiques fait son chemin, indique aussi l’enquête de Business France. La vague du bio a également fait son entrée dans les élevages et l’alimentation animale aux EAU, pour concurrencer les produits importés. Entre 2012 et 2014, la surface bio est passée de 200 ha à 4 286 ha. Le bien-être animal n’est pas en reste : c’est une notion présente dans l’Islam, à travers notamment le transport, l’alimentation et l’abattage, indique l’enquête. Autant de perspectives et d’opportunités.

« Les Émirats arabes unis et les autres pays de la zone comptent des très grosses structures agricoles qui nous intéressent techniquement », indique Stéphane Lemoine, responsable MiXscience pour la zone MEA. « Le marché est petit (55 millions de tonnes hors Israël) mais dynamique et croît plus vite que la moyenne, il y a une vraie demande de produits et de savoir-faire en nutrition, pour la volaille, l’espèce traditionnelle, mais aussi des marchés de niche, notamment l’aquaculture », ajoute Erwean Villageois, responsable de l'activité commerciale de MiXscience en Afrique de l’Est. « Nous participons à ce mouvement de développement avec notre offre produits feed et notre expertise, notamment grâce à notre technologie VStar, solutions vectorisées de transport d’additifs par technologie de relargage. Nous souhaitons tisser des partenariats avec les fabricants, les intégrateurs. Mais l’approche est complexe. Entre l’Égypte et l’Arabie saoudite, il y a autant de différences qu’entre l’Iran et les Émirats, la Turquie et le Soudan. Les structures sont très différentes, de même que les aspects règlementaires. » Sans oublier les problématiques géopolitiques, les taxes et barrières tarifaires, les embargos ou encore la dévaluation de certaines monnaies. « Il faut s’adapter. Une présence locale commerciale est souhaitable : nous comptons cinq territory managers dans la région. Le salon est l’occasion de mieux comprendre et appréhender ces marchés. »
« Les Emirats Arabes Unis sont un marché très compétitif et leurs connaissances techniques et exigences sont très élevées, ajoute Matthieu Le Moigne, responsable Moyen Orient, Pakistan et Inde pour Olmix. En effet, il faut relever plusieurs challenges imposés par l’environnement local (climat, désert...) pour obtenir de bonnes performances. De juin à septembre, la température dépasse régulièrement les 45°C sans compter l’humidité. Les émiratis sont toujours intéressés par l’innovation et c’est là que nous intervenons. Notamment avec nos produits Searup, Sealyt et Digestsea, qui permettent de réduire considérablement l’usage d’antibiotiques et d’améliorer les performances en élevage (notamment en baisse de mortalité, réhydration, heat stress) et cela même en période de forte chaleur. »
Le spécialiste des solutions naturelles algo-sourcées, présent pour la première fois sur le salon, a décidé, il y a un an et demi, d’installer un bureau à Dubaï. « Le Moyen-Orient est très intéressé par notre approche sans antibiotique. » Des essais ont été menés localement. « Ils sont très concluants. Nous proposons assurément les produits les plus innovants du marché grâce aux algues. » Outre un stand sur le Viv MEA, Olmix était également présent au GFIA, Forum mondial pour l'innovation dans l’agriculture, organisé simultanément au sein du Centre national des expositions d’Abu Dhabi. Dans ce cadre, Pi Nyvall, responsable R&D du Groupe, a assuré une présentation scientifique sur la production avicole sans antibiotiques, basée sur les différentes gammes de produits Olmix et son programme d'élevage Merci les Algues. Dans le cadre de cet événement, Olmix a également reçu le prix GFIA 2018 de la meilleure innovation en production animale. Ces prix sont décernés afin de promouvoir les innovations qui contribuent à améliorer la sécurité alimentaire mondiale sans détruire la planète. « Nous avons la volonté de nous développer ici et ça démarre très bien ! »
Développement français à l’export
Phosphéa possède également un bureau à Dubaï, « depuis trois ans », indique Taoufik Morabit, responsable du développement de la zone Moyen-Orient, ajoutant : « Historiquement, nous étions les seuls en phosphate dans la région. Nous restons les 1ers dans la zone en parts de marché mais il existe aujourd’hui des producteurs locaux. Nous sommes reconnus comme un fournisseur de qualité mais ce n’est plus suffisant face à une production locale très compétitive ou encore à la Chine. Nous avons beaucoup d’ambition dans la zone, on y voit beaucoup de croissance, un marché important. C’est une terre d’opportunités. » « Un marché d’avenir qui va se développer dans les prochaines années, renchérit Massoud Aoun, le directeur d’Idena. Nous avons beaucoup misé sur l’export, nous sommes présents dans environ 45 pays et cette région nous intéresse énormément, de par sa position géographique en plein cœur des pays du Golfe et du Moyen Orient, à proximité immédiate de l’Asie et de l’Afrique de l’Est. On mise beaucoup sur ces grands marchés, en volaille notamment.» La démédication est le fer de lance d’Idena en termes de prospection. « Le marché est très difficile car il y a beaucoup de concurrents et ils sont très attachés au prix. De plus, des molécules chimiques sont encore autorisées, ils ont du mal à bouger pour des solutions plus naturelles. Mais on ne baisse pas les bras : ça va venir. Le standard français a fait ses preuves, les gens le demandent, à un moment tout le monde va franchir le pas. En Asie il y a 5-6 ans, c’était la même chose, aujourd’hui l’Asie nous demande ces produits. Nous sommes convaincus que cette tache d’huile va toucher tout le monde. »
Le Moyen-Orient représente un tiers de l’activité export de MG2Mix. « Le Viv MEA a forcément un intérêt à partir du moment où on est engagé à l’export ! Le but est autant de rencontrer nos partenaires distributeurs dans la zone que de se faire de nouveaux contacts dans de nouveaux pays », explique Vincent Gerfault, le directeur général. La firme-services a choisi un unique partenaire par pays. « L’extension de l’usine et la mise en place d’une nouvelle station expérimentale pondeuses cette année vont nous permettre d’avoir un outil industriel dimensionné pour nous permettre de nous développer davantage à l’export. » Il en est de même pour Difagri : « Le nouvel outil industriel pris en main depuis août 2016 nous permet d’être sereins et d’assumer notre fort développement sans problème de capacité de production, expliquent Philippe Gauthier, le P-DG et Josselin Bertaud, responsable export. L’entreprise a engagé une véritable démarche à l’export courant 2016 en y mettant des moyens humains, tant itinérants que sédentaires. Notre objectif est de réaliser 20 % du chiffre d’affaires à l’export d’ici deux ans, soit 2,5 millions d’euros. La participation au Viv MEA s’inscrit dans une volonté accrue de présence aux salons internationaux. Nous serons également présents pour la première fois à EuroTier, en Allemagne, au mois de novembre. » Le Gouessant est également en plein développement et structuration de son activité export : « On prévoit de multiplier par trois la force de vente sur notre périmètre », indique Gaël Perina, directeur de la division minéraux et aliments complémentaires. Le Moyen Orient est un marché naissant, il représente 8-10 % de notre activité export pour le moment. Mais nous venons d’enregistrer des produits en Iran et en Arabie saoudite, on démarre également au Koweït, en Égypte, en Inde, au Pakistan ou encore au Bangladesh. Avec des produits pour les chameaux, les moutons et les vaches laitières. »
Vitalac mise sur une approche très technique. « Nous réalisons 50 % de notre activité à l’export, principalement en Asie, Afrique, Moyen Orient et Europe. Ce sont de très grosses zones de business sur lesquelles on nous connaît de plus en plus pour notre côté technique. Notre objectif n’est pas d’inonder le marché de produits mais de cibler les besoins spécifiques et d’y apporter un accompagnement technique en plus d’une réponse produit, notamment contre le stress thermique chez la volaille, l’une des grosses problématiques dans la région, qui entraîne une forte mortalité. » « La problématique de la biosécurité affecte également énormément le marché, notamment en Arabie saoudite et en Iran : 40 % des pondeuses sont affectées par des maladies », ajoute Monir El Edrissi, responsable des ventes pour Adisseo en Turquie, au Moyen Orient et en Afrique de l’Est, installé à Dubaï. « Nous sommes historiquement présents avec la méthionine et les vitamines et faisons partie des leaders sur le marché Moyen Orient. Aujourd’hui, nous renforçons notre présence terrain d’une façon customer-centric, centrée clients. Nous développons également des produits de spécialité et allons vers plus d’innovation. Il y a de gros challenges à relever mais sur des marchés en plein développement et en croissance économique. Malgré l’instabilité il y a de vraies perspectives. Nous préparons l’avenir. Et pour cela, le Viv MEA, c’est the place to be ! »
E. Mouraud