Soja : Oxyane se dote d'un outil de trituration

Le 17/07/2024 à 9:10 par La Rédaction

Le groupe coopératif Oxyane met en service une unité de trituration de soja à La Côte-Saint-André, dans l’Isère. L’opération représente un investissement de huit millions d’euros. L’outil a été inauguré le 7 juin dernier.

Le 7 juin dernier, Oxyane a inauguré son unité de trituration de soja de La Côte-Saint-André, dans l'Isère. JeanYves Colomb et Georges Boixo, respectivement président et directeur général du groupe coopératif, déclarent : « ce projet est né il y a plusieurs années. Nous avons expérimenté le soja Expeller mais il nous manquait le maillon de la transformation. Dans notre région, on trouve des multiplicateurs de semences de soja, des producteurs de soja et des éleveurs engagés dans des filières de qualité. Le Plan de relance nous a donné la dernière impulsion pour créer cette usine. »

Jean-Yves Colomb, président d’Oxyane : « nous devons inspirer l’avenir »

« L'enjeu : l'autonomie protéique de la France. La chrysomèle nous empêche parfois de replanter du maïs sur du maïs. Or, le soja n'a pas besoin d'engrais, d'où son intérêt dans la rotation des cultures. Sur le plan économique, l'objectif consiste à maîtriser une filière et à répondre aux clients qui veulent des protéines françaises pour leurs animaux. Par ailleurs, le bilan carbone de ce type de production est sans commune mesure avec du soja brésilien ! »

« Oxyane doit inspirer l'avenir. Nous l'avons fait à travers le photovoltaïque. En outre, en deux ans, nous avons créé plus de soixante bâtiments dédiés aux poules pondeuses et nous avons soutenu l'installation de jeunes éleveurs. Nous le faisons également par la mise en œuvre de filières végétales, dont le soja. De plus, ces prochains mois, nous accompagnerons nos adhérents dans une démarche agroécologique. » Certes, le soja français coûte plus cher que son concurrent sud-américain. Mais selon certaines études, la production de lait augmente sensiblement en utilisant une légumineuse hexagonale. Donc, pour l'éleveur, le surcoût est compensé.

Georges Boixo, directeur général d’Oxyane : « le Plan de relance nous a donné la dernière impulsion pour créer cette usine ».

Le soutien de Sofiprotéol

Oxyane a bénéficié du soutien stratégique de Sofiprotéol, filiale d’investissement du groupe Avril. Arnaud Rousseau, président d’Avril Gestion, commente  : « nous ne sommes pas condamnés à ce que le soja soit brésilien en France ! Pour produire du soja, il faut des semences, de l’eau et un outil de transformation. Or, celui-ci se trouve à proximité, d’où des gains logistiques. Nous nous impliquons dans la Stratégie nationale pour les protéines végétales. Notre souveraineté alimentaire passe par des filières construites. De fait, une filière sans coopérative ne revêt aucun sens. Le collectif s’avère donc essentiel. Je félicite les administrateurs et les cadres dirigeants d’Oxyane qui ont décidé de créer cet outil. La prise de risque est réelle. Mais il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent. J’appartiendrai toujours à la catégorie de ceux qui essaient de proposer des solutions. Cette opération vise à générer plus de revenus pour la coopérative et ses adhérents. Le consommateur doit comprendre que produire une alimentation de qualité a un prix. »

Arnaud Rousseau, président d’Avril Gestion : « nous ne sommes pas condamnés à ce que le soja soit brésilien en France ! »

Élise Dugleux, cheffe de service à la délégation territoriale de Lyon de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, figurait également parmi les intervenants : « ce projet concrétise une politique environnementale menée depuis quinze ans. Elle cible les captages d’eau potable. Ceux-ci sont touchés par les pesticides et les nitrates. De son côté, Oxyane a toujours été présent dans les démarches des collectivités locales pour restaurer la qualité de l’eau et, plus récemment, dans les paiements pour services environnementaux. Les surfaces de soja se trouvent essentiellement en zone de captage prioritaire. Or, le soja est une filière à bas niveau d’intrants. Au global, 8  000 ha sont visés. Pour les captages prioritaires, ce sont plutôt 800 ha qui sont envisagés sur les cinq prochaines années. Nous sommes dans un projet de filière. L’objectif consiste à trouver des productions qui, localement, offrent des débouchés. La valorisation économique représente un bon levier pour adopter les bonnes pratiques. »

Élise Dugleux, de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse : « le soja est une filière à bas niveau d’intrants ».

Trois process en un

La trituration du soja démarre par la réception, le nettoyage et le concassage des graines. Puis un dispositif aéraulique sépare la coque de l'amande. Cette dernière est cuite afin de réduire les facteurs antinutritionnels de la graine, puis une presse extrait l'huile d'un côté et le tourteau de l'autre. Donc, d'une graine à l'entrée, on sort avec trois produits : une coque, un tourteau et une huile. Cette dernière fait l'objet d'une préfiltration, puis d'une filtration qualité nutrition animale. De l'autre côté, le tourteau servira pour l'alimentation du bétail. Dans un premier temps, l'entreprise iséroise prévoit de transformer 25 000 t de soja/an. Autrement dit, 50 t de tourteau, 8 t d'huile et 4 t de coque sortiront quotidiennement de l'unité de La Côte-Saint-André.

Anthony Poirier, chef de projet industriel : « nous avons opté pour un process standard, fiable et robuste ».

Lorsque la presse et le cuiseur démarrent, on ne les arrête plus, sauf une ou deux semaines par an pour de la maintenance. Le cuiseur est une énorme machine de sept étages sur laquelle on chauffe les plateaux à 110-120 °C en moyenne. Le process ressemble à celui d'une torréfaction. La vapeur générée par la chaudière n'entre jamais en contact avec le produit. La graine cuit sur les plateaux. Il faut compter de cinq à six heures entre l'entrée de la graine dans le cuiseur et sa sortie. Anthony Poirier, chef de projet industriel, explique : « c'est un macroprocess composé de trois microprocess. Le premier, relatif à la préparation et à la transformation des graines, est connu dans notre métier. Il s'agit du nettoyage et du concassage des graines. Nous maîtrisons parfaitement ces opérations. L'atelier de trituration est un process nouveau dans le groupe mais il est simple à mettre en œuvre. Cependant, générer du tourteau et de l'huile requiert de la mécanique lourde. Le troisième microprocess est dédié au traitement de l'huile et à sa filtration. Il repose sur des pompes hydrauliques et des cuves. »

 

Oxyane : Repères

La construction de l’unité de trituration de soja de La Côte-Saint-André a démarré en avril 2023. L’opération représente un investissement de huit millions d’euros. Oxyane a bénéficié de subventions : 1 031 209 euros de FranceAgriMer dans le cadre de France Relance  ; 183  428  euros de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse  ; 139  720  euros de l’Union européenne via le Feader ; 69 860 euros de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ; 69 860 euros du Département de l’Isère.

Les capacités de stockage d’Oxyane sont de 24 000 t en soja conventionnel et de 3 500 t en soja biologique.

Oxyane compte 600  producteurs de soja conventionnel et 120 producteurs de soja biologique. 25 % des adhérents du groupe coopératif ont intégré le soja dans leur assolement. Cela représente une production de 13 226 t en conventionnel et de 3  625  t en bio pour des capacités de stockage de respectivement 24 000 t et 3 500 t.

 

Un marché porteur

Stéphane Travard, acheteur du groupe et responsable commercial pour la trituration, déclare : « afin d'assurer les approvisionnements, Oxyane a mis en culture les hectares suffisants. Le stockage du soja conventionnel n'est pas très loin, à Beaurepaire. Nous aurons un flux de camions sur une distance de moins de 30 km. En bio, le cahier des charges nous impose un rinçage pour passer d'une matière première conventionnelle à une matière première labellisée. Et nous triturerons par lots de 1 000 t, que nous stockerons dans un magasin extérieur, également à Beaurepaire. La structure alimentera Ucabio, à Chabeuil, dans la Drôme. Ici aussi, nous avons pensé aux flux de camions à pleine charge. »

Stéphane Travard, acheteur du groupe Oxyane et responsable commercial pour la trituration : « un tourteau français est deux à trois fois moins carboné qu’un produit importé ».

Une partie de la production sera consommée en interne. Ainsi, la fabrique d'aliments qui jouxte l'unité de trituration sera reliée à celle-ci par un flux d'air. Pour sa part, Soreal Sud-Est, à Vonnas, dans l'Ain, sera alimenté par camion. Une partie de la production sera également vendue à des clients en Auvergne-Rhône-Alpes et dans les régions limitrophes. Notre interlocuteur commente : « l'Union européenne vise l'autosuffisance en protéines. L'enjeu consiste à ne plus dépendre du soja brésilien, source de déforestation de l'Amazonie. D'autre part, un tourteau français est deux à trois fois moins carboné qu'un produit importé. À long terme, le marché s'avère donc porteur. »

Gilles Hardy