Séminaire ruminants : "Une interaction entre le cerveau et l'intestin"

Le 16/07/2018 à 8:15 par La Rédaction

Deux cerveaux valent mieux qu’un ! C’était le thème du séminaire ruminants qui s’est tenu à Tours (Indre-et-Loire) début avril. L’évènement, organisé par Prisma, était axé sur les fonctions neurologiques et immunitaires de l’intestin en bovin lait et bovin viande.

Les 4 et 5 avril derniers, près de cinquante personnes se sont réunies à Tours (Indre-et-Loire) à l’occasion du séminaire ruminants organisés par Prisma : Deux cerveaux valent mieux qu’un ! Au programme : des exposés scientifiques et des présentations pratiques sur les fonctions neurologiques et immunitaires de l’intestin en bovin lait et bovin viande. Ronan Le Gall, chef de produit, prit la parole pour la première occurrence et nous l’avons interrogé à l’issue de son intervention.

Ronan Le Gall : « Le levier alimentation est vraiment important pour soutenir l’immunodépression et limiter l’inflammation. »
Ronan Le Gall : « Le levier alimentation est vraiment important pour soutenir l’immunodépression et limiter l’inflammation. »

La Revue de l’Alimentation animale : En bovin lait, quand le microbiote intestinal se met-il en place et quels sont les enjeux ?

Ronan Le Gall : Le microbiote se met en place lors des premières semaines de la vie des animaux. Les conditions liées à la naissance, à l’environnement immédiat du jeune veau et à la conduite alimentaire conduiront à la diversité du microbiote. Celle-ci est gage de sa stabilité et de sa capacité à jouer son rôle, notamment de résistance face aux pathogènes.

RAA : Dans quelle mesure la phase lactée est-elle prépondérante ?

R. L. G. : Pour une installation progressive du microbiote, il faut une régularité au niveau des apports.

RAA : Selon vous, avec les génisses, il faut faire attention aux excès de croissance : pour quelles raisons ?

R. L. G. : Au démarrage, la mamelle se développe de façon allométrique, notamment au cours des deux ou trois premiers mois. Ensuite, elle se développe de façon isométrique. À partir de dix mois, en tout cas après 300 kg, si on a des excès de croissance, on dépose du gras et on observe une régression relative de la glande mammaire.

RAA : Vous affirmez qu’il faut se méfier de « l’effet boomerang » lors du tarissement : que voulez-vous dire ?

R. L. G. : Chez Prisma, nous conseillons aux éleveurs de faire deux lots. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l’importance de la première partie du tarissement. L’effet boomerang fait référence à un excès d’apport énergétique. Or celui-ci aura des conséquences à retardement difficilement perceptibles. Premièrement, en cas de régime hyper-énergétique, on a la production de l’hormone de satiété, la leptine. Deuxièmement, sur le plan physiologique, cela conduit à un stockage de graisse en périphérie de l’intestin. Cette graisse viscérale sera mobilisée en début de lactation et provoquera de nombreux problèmes inflammatoires.

RAA : Si on continue le cycle, on arrive à la vache en transition : quelle est la problématique posée ?

R. L. G. : C’est le déficit de compétence immunitaire. Celui-ci est physiologique, en raison du vêlage et de l’entrée en lactation. Il faut donc soutenir la compétence immunitaire de la vache par la nutrition pour éviter la sur-inflammation, notamment d’origine infectieuse au travers de l’exemple des mammites et des métrites. À la clé, une déperdition énergétique. Il faut également se soucier de l’inflammation de la muqueuse intestinale : celle-ci génère une perte énergétique et protéique.

RAA : Comment prépare-t-on une vache au vêlage ?

R. L. G. : Il y a trois fondamentaux. Premièrement, tout doit être fait pour que les vaches gardent l’appétit. En cas de baisse d’appétit avant vêlage, le bilan énergétique sera dégradé en début de lactation, indépendamment de la production que l’animal est prêt à faire en fonction de ses capacités génétiques. Deuxièmement, c’est le niveau de Baca (NDLR : balance anions-cations) de la ration : le principe est bien connu sur la vache tarie mais il s’applique en préparation de vêlage. Troisièmement, il faut gérer l’immunodépression : soutenir la compétence immunitaire, apporter des minéraux spécifiques, prévenir la cétose, etc.

RAA : À quoi cette immunodépression est-elle liée ?

R. L. G. : Elle est physiologique : augmentation de la production de cortisol, effondrement des concentrations en vitamines A et E. En outre, la vache fabrique le colostrum, ce qui demande beaucoup d’éléments. Le levier alimentation est vraiment important pour soutenir l’immunodépression et limiter l’inflammation.

RAA : Selon vous, au moment de la lactation, l’intestin peut provoquer une double peine : pouvez-vous préciser votre pensée ?

R. L. G. : L’intestin est équipé de nombreuses bactéries Gram-. Celles-ci amènent la production de LPS, qui sont les agents responsables de l’inflammation. Or, quand on a beaucoup d’indigérés dans l’intestin, notamment les fibres, on a trop de fermentation. D’où une desquamation de la muqueuse intestinale. On le voit de façon clinique au niveau des bouses avec beaucoup de mucus. La double peine se traduit ainsi : on ne pourra pas valoriser ce qui est dans l’intestin. Et, au contraire, l’animal puisera dans son apport protéique pour régénérer sa muqueuse intestinale.

RAA : Projetons-nous un petit peu : quels sont vos axes de recherche autour de l’appareil digestif de la vache ?

R. L. G. : Le pH du rumen est un faux ami en matière de diagnostic. Nous allons donc travailler sur des éléments de diagnostic complémentaires : l’analyse de bouses (composants, score d’inflammation et présence de gaz). Cela nous renseignera sur ce qui se passe dans le rumen et l’intestin. L’idée, derrière, c’est d’établir un diagnostic et de positionner les solutions qui permettront d’agir, non seulement sur le rumen mais aussi sur l’ensemble du tractus digestif, avec une prise en compte des interactions nutrition-santé.

G. Hardy